“Je suis Africain”, l’album posthume de Rachid Taha, contient tous les éléments qui ont forgé son identité musicale. Chaâbi, raï, rock, électro, chanson franco-arabe, violons égyptiens, rhythm’n’blues, country-rock ou poésie soufie… Un chant du cygne à l’image de la carrière d’un artiste qui marqué l’histoire de la musique populaire.

Rachid Taha voit le jour en Algérie française, en 1958, quatre ans avant que le pays n’accède à l'indépendance. Son oreille sensible s’est attachée aux deux cultures et toute sa vie, il sera sensible aux sons naissant des deux côtés de la Méditerranée. Mais musicalement, Rachid Taha est né à Lyon, dans l’effervescence décomplexante du punk rock, dont il adopte le message “do it yourself” qu’il applique dans l’élaboration de sa musique et la construction de son identité.

Carte de Séjour, le combo de rock arabe fondé en 1980 avec les frères Amini, d’origine marocaine, n’aurait pu naître et se faire connaître à une autre époque. La révolution punk unissait alors une jeunesse frustrée par la culture dominante, la poussant à prendre la parole et les armes (basse, batterie, guitares). Le phénomène attire l’attention de l’industrie musicale car ce souffle redéfinit ce que le public veut entendre.

Dès le départ, Carte de Séjour opère une synthèse cohérente entre la transe des musiques gnawas marocaines et celle du rock le plus sauvage, entre l’hédonisme du raï et celui du punk, entre les chants rebelles du chaâbi et ceux des Clash. Tout au long de sa carrière, Rachid Taha a ainsi fait appel à sa connaissance du passé et à sa lucidité du présent pour nourrir ses intuitions futuristes.

En 1986, le premier succès de Carte de Séjour est une adaptation d’un chant écrit sous l’occupation allemande pour redonner confiance au peuple de France. Au moment où le gouvernement durcit ses lois migratoires, sa version orientalisée du Douce France de Charles Trenet souligne la légitimité de ses émigrés, anciens citoyens français appelés en masse en métropole pour aider à l’expansion économique au tournant des années 60/70, à vivre normalement sur le territoire.

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