Ronnie Spector, la mort d’une reine

Plus qu’une voix essentielle de l’histoire de la musique du XXe siècle, Veronica Yvette Bennett alias Ronnie Spector était une icône de la culture pop. La plus charismatique déesse des girl groups sixties s’est éteinte le 12 janvier 2022, emportée par un cancer. Dans les veines de la bad girl ultime de Spanish Harlem coulait le plus explosif des cocktails mêlant sang afro-américain, irlandais et cherokee ! Un mélange qui fascine Beatles et Stones qui idolâtrent la New-yorkaise née le 10 août 1943. Avec sa sœur Estelle Bennett (disparue en 2009) et sa cousine Nedra Talley, elle forme les Ronettes, plastiqueuses des canons de la pop et du rock à l’aube des années 60. Un trio tout juste sorti de l’adolescence, emballé dans des robes ultra moulantes et ultra courtes, les yeux couverts de mascara et les cheveux dressés en choucroutes XXL. Ronnie et ses Ronettes font briller de mille feux des love songs sculptées en symphonies pop millimétrées et puissantes, flottant dans un nuage électrique concocté par un certain Phil Spector. C’est le mythique Wall of Sound de ce jeune producteur révolutionnaire. En fait un son très dense de multiples couches sonores et de réverbérations. Le producteur faisait jouer des dizaines de fois à la guitare électrique et acoustique la même partition à l’unisson, ajoutant de nombreux arrangements et enregistrant le tout dans une chambre d’écho conférant à l’ensemble une puissance inédite.

Chef d’œuvre de l’association entre les Ronettes et Phil Spector, Be My Baby secoue la terre entière ! « C’est la plus grande chanson pop de tous les temps ! » hurlera Brian Wilson des Beach Boys. Baby, I Love You, The Best Part of Breakin' Up, Do I Love You? et autres Walking in the Rain suivront. En 1968, Phil épouse sa muse Ronnie pour mieux la contrôler voire l’emprisonner dans sa demeure californien. Elle s’échappera, aidée par sa mère, et divorcera du malade mental devenu tueur d’une actrice de série Z en 2003 et décédé derrière les barreaux de la prison californienne de Stockton en 2021…

En 1973, Ronnie reformera les Ronettes avec deux nouveaux membres, sans grand succès, et pigera ça-et-là durant les seventies notamment avec Southside Johnny puis le E Street Band de Bruce Springsteen en 1977, le temps d’un single, une reprise de Say Goodbye To Hollywood de Billy Joel.

La décennie suivante, elle enregistrera deux albums solos, Siren en 1980 et Unfinished Business en 1987. Sans retrouver le succès de son âge d’or, elle restera l’idole de nombreux artistes, Amy Winehouse en tête, qui faisait claquer avec la même insolence sa gouaille de fille rock’n’roll. « Amy a été géniale pour moi car elle m’a fait sentir que ce que j’avais fait comptait vraiment », dira-t-elle à la mort de sa jeune disciple dont elle reprendra d’ailleurs le tubesque Back to Black…

En 2016, elle effectue un ultime comeback avec English Heart, un album touchant sur lequel elle revisite quelques pépites sixties (Rolling Stones, Beatles, Yardbirds, Bee Gees, Dave Clark Five…). Qu’importe la qualité de ce dernier disque car Ronnie Spector restait déjà et restera à jamais l’incarnation suprême de cette délicieuse ère révolue de la pop originelle qui mêlait sucre et stupre…

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