Le trio londonien PVA vient tout juste de sortir “Blush”, un premier album fascinant entre post-punk, indus et acid house, influencé par les années 80 et 90 mais bien ancré dans cette année 2022. Signés sur le prestigieux label indépendant Ninja Tune, Ella Harris, Josh Baxter et Louis Satchell nous ont raconté leur parcours, le travail en studio et comment la crise de la vingtaine a infusé leur création, entre angoisse et libération.

D’où vient ce ce nom, PVA ?

Ella Harris : Au Royaume-Uni, c’est le nom de la colle que tous les enfants utilisent à l’école. 

Josh Baxter : En fait, on n’avait toujours pas de nom pour notre premier concert. Il fallait vraiment qu’on s’active. On avait une liste remplie de noms très différents. On les a tous passés en revue et on s'est juste dit que celui-là sonnait plutôt bien. L’idée vient de notre ami Alex. 

Ella Harris : D’ailleurs, pour nos trois premiers concerts, c’était “PVA Presents”.

Josh Baxter : Oui, je pensais que ce serait une bonne idée parce que, si jamais on organisait nos propres concerts, ça aurait bien donné, “PVA Presents"… Mais c'était un peu compliqué et stupide, alors on a abandonné le "Presents" pour garder PVA. Bonne pioche !

Comment avez-vous commencé à jouer ensemble ? 

Louis Satchell : Josh et moi étions au lycée ensemble. On a commencé à jouer dans un groupe juste avant d'aller à l'université, mais on s'est séparés.

Josh Baxter : Puis j'ai déménagé à Londres. J'ai commencé à explorer certains endroits du sud de Londres et j'ai rencontré Ella lors d’une soirée. Comme on est tous deux passionnés de musique, on a vite accroché. On a fini par jouer ensemble. Au début, il n’y avait que nous deux.

Ella Harris : Louis nous a rejoints au bout d’un an et quelque. Une super opportunité de concert est arrivée, alors qu’on n’était pas tout à fait prêts à jouer. Mais on s’est dit qu’il fallait y aller. Le résultat a été… intéressant. En vrai, c’était carrément nul et chaotique ! L’enceinte s’est pétée juste avant le concert… L’horreur. C'était un peu notre baptême du feu. On joue à trois depuis 2019, mais si tu retires la période Covid, ça ne fait pas longtemps finalement. 

PVA © Sal Redpath

Blush est assez impressionnant pour vos âges. On sent énormément d’anxiété dedans. D’où vient-elle ?

Ella Harris : Blush reflète les multiples états d’esprit traversés pendant l’écriture – ceux de trois individus venant d'endroits différents. Il y a des moments assez spacieux, où l'on se concentre sur ce sentiment de libération, d’autres assez tendus, d’autres encore assez intimes. Nous avons essayé autant que possible de laisser l’énergie de chacun "vivre" de la manière la plus honnête possible.

Josh Baxter : On se sert de la musique pour révéler l’intime le plus profond. On a mis presque quatre ans à faire cet album. On a beaucoup grandi sur le plan musical comme personnel. On a découvert qui nous étions en tant que groupe, en tant qu’individus, des jeunes traversant leur vingtaine, tout en essayant de comprendre ce qu’on voulait faire comme musique et de nos vies. Ce cheminement se reflète dans l’album. Le début de la vingtaine, c’est assez angoissant. 

Ella Harris : C’est très “début vingtaine”. L’album transpire de ces moments qui durent des mois parfois, où tu traverses tellement de choses. C’est presque comme une seconde puberté. Une minute, tu ressens une chose et celle d’après, tu te dis "Non, peut-être que c'est pas ça"…

Josh Baxter : Tu sais, ce genre d'angoisse où l'on se dit “Oh mon Dieu…” mais aussi “Ça va aller, on va s'en sortir”. C’est une foule d’émotions qui arrivent en même temps. Et tout cela se ressent, je pense, à travers cette voix qui émane de nous trois.

Avez-vous été surpris par le résultat ?

Josh Baxter : Une partie est sortie comme attendue et une autre a été très surprenante. Certaines chansons ont mis du temps à prendre forme, car il y a eu beaucoup de pauses. On est revenus sur certains morceaux après un an ou deux, en modifiant quelques éléments. Transit est par exemple une chanson qui a pris son temps et qui, pendant deux ans, a émergé de plein de choses différentes. Ça n'avait rien à voir au début, même si l'on connaissait quand même l'idée et l'énergie de départ. Seven m'a beaucoup surpris aussi. On a abordé un tout autre côté de la musique que je ne pensais pas qu’on pouvait explorer. 

Quels groupes vous ont influencés ? Qu’écoutiez-vous pendant la préparation de l’album ?

Josh Baxter : Personnellement, je n’écoute pas beaucoup de musique. Mais on avait une playlist.

Ella Harris : On écoute tous des choses très différentes. Pour préparer l'album, on a voulu faire des “sessions de groupe” pour rassembler de manière très informelle nos propres influences et en parler ensemble. C'était comme faire nos devoirs. On se disait : “Mettons cinq morceaux chacun qui ressemblent à ce qu’on projette pour l'album et écoutons-les ensemble.” Puis on débattait et disséquait ce qu'on aimait dedans. 

Louis Satchel : On ne cherchait pas un son particulier au départ. On s’est aussi inspirés de certains trios pour voir comment ils géraient les arrangements dans une configuration à trois plutôt qu’à quatre. 

Vous avez enregistré en seulement dix jours. Comment s’est passé le travail en studio ? 

Ella Harris : C'était fou ! Nous avons été enfermés dans ces morceaux tellement longtemps. Avant d'enregistrer, on les jouait, on essayait de les peaufiner, on essayait de voir comment ils fonctionnaient à différents moments de la nuit, devant différents publics. Après ça, c’était la fête ! On écoutait les morceaux mixés dans le tour bus, en se disant "Oh mon Dieu, ça vaut le coup de les jouer !"

Josh Baxter : On avait à peine fini d'enregistrer l'album qu’une semaine plus tard, notre premier single Untethered sortait. Avec un ami, Patrick, on a fait tout ce qu’on a pu dessus. On l'avait pratiquement terminé quand on a dû valider les masters dans le tour bus… Je devenais fou ! J’étais en mode “Je ne sais pas si ça rend bien". Au final, ça sonnait vraiment très bien… Finalement, on s'est lancés confiants. On a laissé quelques chansons à peaufiner en studio, mais la plupart d'entre elles étaient déjà bien épanouies.

PVA © Sebastian Kapfhammer

Comment s’est passée la collaboration avec Ben Romans-Hopcraft et Jamie Neville, vos producteurs ?

Josh Baxter : On a enregistré aux Teeth Studios, au sud de Londres. On connaissait Ben de Warmduscher et Childhood, ses anciens projets, et on l'avait déjà croisé plusieurs fois. Comme il savait qu'on cherchait un endroit pour enregistrer, il nous a proposé une séance d’essai. On avait visité quelques studios pas trop mal, mais on n’était pas tout à fait sûrs. Quand on a enregistré la démo de Kim là-bas, on s’est dit que c’était juste parfait. Ce qui était bien, c’est qu’ils nous ont donné beaucoup d'espace pour faire ce qu’on voulait, tout en nous soutenant. A ce moment-là, je me suis senti très inspiré. C’était génial car ils étaient aussi excités que nous et nous poussaient beaucoup.

Ella Harris : Il y a eu cette journée avec Jamie. On bossait sur Seven, qu’on a essentiellement écrit en studio. On avait une idée et une démo mais on expérimentait pour la rendre plus folk et ambient. On était tous au studio à écouter l'enregistrement, et on était plutôt satisfaits quand Jamie a proposé de mettre les micros dehors, d’enregistrer les oiseaux et de faire du field recording. On n’aurait jamais pensé à faire ça tous les trois, on aurait été trop concentrés sur l'enregistrement des morceaux. Il y a beaucoup d’eux dans cet album.

Josh Baxter : Ils ont apporté ce qui nous manquait ou ce que nous ne pouvions pas faire à trois. Jamie est un ingénieur incroyable, et il est très technique, toujours en train de penser “Est-ce que le son est assez bon ? Est-ce qu'on lui apporte assez ?”. Et Ben fournit tellement de soutien et d'énergie, en apportant une vraie vibration. Il n’y aurait jamais eu d’album sans eux. 

Ella, tes paroles viennent de ta propre poésie, écrite avant l’album. Était-ce plus évident pour toi de les chanter en sprechgesang ? 

Ella Harris : Oui, carrément. Je n'avais jamais chanté avant de faire ce projet. Je trouve que c’est plus agréable d'avoir une conversation directe avec le public. Il y a de très beaux enregistrements de mes poèmes préférés prononcés avec l'accent de l’interprète, au plus proche de sa voix parlée. Je trouve cela très efficace et très beau. Pour pas mal d'artistes, j'aime entendre l'accent, découvrir d'où ils viennent. Parfois, on perd ça en chantant, aussi parce que c'est plus facile de chanter avec l’accent américain. Il est plus facile d'atteindre certaines notes, avec leur "twang" particulier. Pour nos prochains morceaux, j’aimerais varier les voix. 

Ce style de chant rappelle aussi beaucoup Miss Kittin.

Ella Harris : On nous l’a dit aussi ! Mais je ne la connais pas du tout. Je vais écouter.

Sur Transit, votre chant se fait plus lyrique.

Ella Harris : C’est vrai. C’est quelque chose que je travaille pas mal, je n’y suis pas encore tout à fait mais j’y arrive ! Comme je disais, j’adore la poésie et sur l’album, on a quelques moments comme ça. Quand l’orchestration laisse assez d'espace pour que le chant puisse se poser dessus. Il y a tellement d'espace dans les couplets que le chant peut être très direct, puis il devient vraiment fou. C'est bien d'avoir ces moments-là aussi.

Certaines des chansons semblent traiter de l'idée de liberté sexuelle. Est-ce quelque chose que vous vouliez aborder ?

Ella Harris : Lorsque vous écrivez de la musique, elle sort forcément toujours quelque chose de vous, même si vous essayez d’empêcher ce phénomène quasi autobiographique. Même si vous faites une chanson sur un personnage, ce personnage reflète un peu de vous… Donc oui, totalement. Ce sont des réflexions qui nous ont traversés et qui se sont injectées dans l’album.

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