Les sœurs Rebecca (chant, guitare, claviers) et Megan Lovell (lap-steel guitar, chœurs) sont de retour avec leur septième album “Blood Harmony”, un concentré de blues, de folk et de rock qui succède à “Kindred Spirits”, leur disque de reprises du confinement. Pour Qobuz, elles racontent leur évolution en tant qu’artistes, leur mode opératoire pour composer et le plaisir de chanter entre sœurs.

Avez-vous une routine lorsqu’il s’agit de composer durant vos tournées ? Utilisez-vous ce temps pour essayer de nouvelles idées ou préférez-vous votre studio ?

Rebecca Lovell : C’est un peu des deux. Nous tournons de manière tellement intense que je fais très attention à ménager ma voix. Donc je ne parle pas trop. Je ne bois pas sur la route, ni entre les concerts. Je ne sors pas, je ne fais pas la fête : je rentre directement dans notre bus ou à l’hôtel et je dors. J’aimerais composer sur la route, mais parfois, ce n’est tout simplement pas possible. Mais j’ai un carnet d’écriture que je garde religieusement. Donc une fois rentrée, dès que j’ai le temps, j’explore ces idées et j’essaie de créer.

Megan Lovell : Nous aimons composer lorsqu’il y a un objectif derrière. Parfois, au sortir d’une longue période de tournée, nous utilisons toutes les expériences accumulées pour réfléchir à ce que nous voulons proposer dans le prochain album. Et c’est ce que nous avons fait avec celui-ci, nous voulions qu’il soit plus à l’image de nos concerts et nous avions des idées très précises. Donc, cette fois-ci, nous avons composé un peu différemment. Et je pense que cela nous a été très bénéfique. Car nous avons passé plus de temps sur la préproduction. Nous avons consacré quelques semaines à nous réunir, parcourir les compos et jouer ensemble avant d’attaquer la suite.

Rebecca : Et voir où nous mènent les idées.

Megan : Exactement. Nous étions aussi beaucoup plus impliquées l’une avec l’autre, plutôt que de travailler chacune dans notre coin. Parfois, les idées viennent et se concrétisent facilement. Bad Spell en est le parfait exemple. Tu es rentrée chez toi un soir et tu as bossé sur une idée. Le lendemain, tu as présenté une idée complètement structurée. Mais les processus sont évidemment différents d’un titre à l’autre.

Larkin Poe © Jason Stoltzfusv

Vous avez grandi entourées de blues et de musique country. Ces genres musicaux coulent-ils dans vos veines ?

Rebecca : Tout à fait. Notre mère a grandi en chantant avec ses frères et sœurs – d’ailleurs notre mère a une superbe voix. La collection de disques familiaux tournait constamment à la maison, la musique a toujours fait partie de notre environnement durant notre enfance, et c’est à ce moment-là que nous avons commencé à apprendre à chanter avec notre mère. Elle s’asseyait au piano et nous enseignait des chants gospel et des chants pour l’église. Et elle me disait « Tu vas t’asseoir ici et ensuite tu vas monter de trois notes et chanter là » et elle nous apprenait à chanter. Ce sont de très bons souvenirs. Et je pense que commencer à chanter ensemble dès notre plus jeune âge a vraiment développé non seulement qui nous sommes en tant qu’artistes, notre association vocale, mais aussi notre relation entre sœurs. C’est vraiment quelque chose de très unique et merveilleux à partager, quand vous pouvez chanter instinctivement avec quelqu’un.

Megan : Aujourd’hui, si nous revoyons notre sœur aînée, nous allons chanter en harmonie immédiatement. C’est dans votre sang, c’est inné.

A l’adolescence, avez-vous consacré du temps à la découverte de nouvelles musiques ?

Rebecca : Absolument. Et notre série de reprises a été un grand atout en nous permettant d’apprendre des chansons et de les interpréter à notre manière. Nous avons repris plus d’une centaine de morceaux, et c’était un exercice intéressant de réinterpréter en tant que Larkin Poe des morceaux que nous aimions. C’est un très bon outil d’exploration pour nous dans le futur.

Depuis le début de votre carrière, comment avez-vous évolué sur les questions liées à la qualité sonore de vos disques ?

Rebecca : J’ai l’impression que nous sommes entre deux eaux à ce sujet. D’un côté, nous accordons beaucoup d’importance à la qualité, et lorsque nous avons commencé notre carrière en 2010, nous avons sorti quatre EP la première année. Je suis très fière du travail accompli mais malheureusement, ils ont été enregistrés dans une si mauvaise qualité que nous avons cessé de les diffuser. Nous n’avons pas pressé ces disques à nouveau, car la qualité que nous souhaitons partager avec nos fans n’est juste pas au rendez-vous. Mais tout cela a été un apprentissage au fil des années. A l’inverse, je suis du genre à écouter de la musique sur mes appareils mobiles. Donc… Je m’agace moi-même !

Megan : L’idée, c’est de fournir aux gens la meilleure qualité possible.

Larkin Poe - Southern Comfort (Official Video)

Larkin Poe

Comme vous l’avez dit, vous avez repris de nombreux morceaux pour les diffuser sur vos réseaux sociaux. Laquelle de ces reprises pourrait le mieux définir Larkin Poe selon vous ?

Megan : De toute évidence : Preachin' Blues de Son House. Nous avons repris cette chanson avec un grand respect pour Son House. Cette chanson a été composée il y a près de cent ans. Mais elle est très catchy et très humoristique. Ce morceau a tellement fait pour nous, c’était l’une de nos premières reprises devenue virale. Et nous la jouons encore à nos concerts aujourd’hui. D’ailleurs, Bob Seger l’a écoutée sur les réseaux sociaux et nous a invitées à venir la jouer avec lui. Donc il y a quelque chose de vraiment spécial avec ce titre.

Rebecca : Je vais également mentionner Sleepwalk de Santo & Johnny (Farina). Etant nous-mêmes deux sœurs, nous sommes obsédées par les groupes du même type comme Santo & Johnny.

Vous êtes entrées dans cette industrie à l’adolescence avec votre premier groupe, les Lovell Sisters, au début des années 2000. Depuis, beaucoup de choses ont changé : le streaming, mais aussi la construction d’une communauté de fans sur Internet, ce que vous faites très bien avec vos vidéos. Quelle est votre relation avec les réseaux sociaux ?

Rebecca : Je pense que les réseaux sociaux ne sont pas très sains pour les gens de manière générale. Et donc il y a des moments où je me sens en conflit en étant créatrice de contenus sur ces plateformes. Lorsque nous créons du contenu à partager avec nos fans, nous essayons de faire quelque chose qui ne soit pas offensant. Ensuite, nous espérons créer une sorte de connexion humaine. J’espère que cela permettra d’élargir l’horizon musical des gens car je pense que les plus jeunes n’ont pas accès à un large éventail de genres musicaux. Donc c’est très rafraîchissant de voir émerger des groupes comme Greta Van Fleet qui sont vraiment en train de trouver comment se lier avec les jeunes générations et de créer cette prise de conscience que des styles comme le rock, le folk ou le blues existent, qu’il y a autre chose en dehors de la pop, du rap, de la house ou de l’EDM. On peut créer une connexion humaine très réelle avec un vrai instrument. En y consacrant du temps et de l’apprentissage, vous pourrez également jouer de la guitare, du piano ou composer vos propres morceaux. C’est le message qu’on veut faire passer.

Megan : Les réseaux sociaux et Internet, ce sont des outils. Ce n’est pas un mal en soi. Les utiliser pour construire une communauté est merveilleux, car il permet à des personnes ayant des mentalités similaires de se connecter. J’adore voir nos fans devenir amis. A vrai dire, j’en ai même la larme à l’œil car je trouve ça superbe. Ils vont aux concerts ensemble, se rencontrent dans différentes villes… C’est merveilleux !

Pour terminer, un plaisir coupable ?

Rebecca : Je dirais Toxic de Britney Spears. On ne va pas se mentir, c’est une excellente production. Mais aussi Tony's Chocolonely, une marque de chocolat originaire d’Amsterdam. Plus précisément, le violet, je ne sais plus quelle était sa particularité mais ça a changé ma vie !

Megan : Pour moi, probablement un beignet fourré à la crème. C’est clairement un plaisir coupable. (Rire.)

Rebecca : Parce que nous avons grandi à Atlanta, en Géorgie, avec Krispy Kreme !

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