De nouveau, Gilles Peterson n’a pas fait le voyage à Cuba pour rien. Pour ce second volume, le globe-trotter anglais, en mode Ry Cooder, a assemblé sur place un groupe haut en couleurs capable de varier les écrins. Le Havana Cultura Band, drivé par le pianiste Roberto Fonseca, met en valeur des artistes affamés et emblématiques des vivaces scènes hip-hop, jazz et afro locales. La Havane est un puits sans fond de musiques populaires qui paraissent avoir été préservées de tout ripolinage. Si l’on veut écouter du rap hardcore, aussi brut à sa façon que le boom-bap new-yorkais des années 90, c’est à la furia d'El Tipoeste (le reggaetonesque Sobre Viviente) qu’il faut s’en remettre. Le jazz spirituel ? C’est l’inspirée Danay Suarez qui s’en charge, alternant mélancolie insulaire et sens de la fête sur fond de percus et d’harmonie modale. Sacré jam aussi, que celui offert par Interactivo avec le fiévreux Chica Cubana : divagations grivoises, embardées de basse et de piano, trompette rigolarde qui part en live. Puissant. Le Gilles Peterson producteur n’a pas oublié les clubs, confiant à Martin Iveson, alias Atjazz, le soin de relooker Orisa, le morceau d’ouverture. Iveson s’en tire aussi bien que lorsque Kevorkian remixe Cesaria Evora. Une certaine douleur qui atteint l’âme est préservée, mais ce bon vieux beat house éloigne vite la tristesse.

Pierre-Jean Chiarelli