Du 10 au 25 octobre à l’Opéra Bastille, Anna Netrebko et Giuseppe Filianoti chantent L’Élixir d’amour, l’un des ouvrages les plus charmants du répertoire.

Du 10 au 25 octobre, L’Élixir d’amour de Donizetti résonnera à l’Opéra Bastille. Créée à Milan au Teatro Canobbiana le 12 mai 1832, cette œuvre sera servie par les voix d’Anna Netrebko et de Giuseppe Filianoti. La baguette sera tenue par Paolo Arrivabeni et la mise en scène, idéalement fraîche et naïve, sera signée Laurent Pelly.

Toute notre littérature occidentale abonde en histoires d’élixirs, de philtres et de poisons. Tel fait naître l’amour, tel autre donne la mort. Adina, l’héroïne de L’Élixir d’amour, les connaît bien : elle entre en scène un livre à la main, un sourire aux lèvres, se délectant de l’histoire de Tristan et Iseult. Elle peut bien rire de leur aventure et la conter sur un rythme de valse : en 1832, Richard Wagner n’a pas encore vingt ans… Il y avait de la singularité d’ailleurs, en ces années 1830 où triomphait la pure virtuosité, à choisir des chemins moins marqués, à jouer la nuance contre l’effet, le doux-amer contre le dramatique ou le comique.

La romance de Nemorino, cette furtiva lagrima expressément désirée et rajoutée par Donizetti, tient alors du manifeste poétique : elle met l’opéra tout entier sous le signe du furtif, de l’allusif, de l’évanescent. Les sentiments ne seront pas surexposés, mais seulement suggérés. Et c’est par la retenue et la délicatesse que brilleront les chanteurs. Car ces années 1830, rappelons-nous, sont aussi le temps de Musset, de ses Comédies et proverbes, où le désarroi des cœurs connaît encore l’art de la litote et où les rêves des jeunes filles se chantent en couplets. C’est évidemment de ce côté-là qu’il faut ranger L’Élixir d’amour, si fragile et subtil melodramma giocoso.

« Je suis obligé de mettre en quatorze jours un livret en musique. Je t’accorde une semaine pour me préparer le livret. Nous verrons qui a le plus de courage de nous deux », écrivait Donizetti à son librettiste Romani. De cette collaboration naît, deux semaines plus tard, L’Élixir d’amour, inspiré du Philtre de Scribe, déjà mis en musique par Auber en 1831. L’élixir en question répand sa douce griserie sur une partition charmante, où la sensibilité et la veine bouffe s’équilibrent avec délicatesse. La banalité de l’intrigue (un jeune paysan timide et naïf achète à un charlatan un philtre d’amour – en fait un simple flacon de vin – dans le but de conquérir la jeune fille dont il est amoureux ; la belle se rendra finalement compte qu’elle aime le jeune homme sans l’aide de l’élixir) est compensée par un langage musical d’une gaieté étincelante et des mélodies particulièrement inspirées.

A l’exception du rôle comique de Dulcamara, les personnages sont traités de manière poétique, loin de toute bouffonnerie, et la comédie se nuance de mélancolie. Les amours tumultueuses de Nemorino et de la belle Adina donnent lieu à des pages devenues célèbres, comme l’air du second acte « Una furtiva lagrima », tendre et émouvante romance. L’écriture témoigne d’une intarissable et féconde veine mélodique et d’une extraordinaire virtuosité musicale, intégrant les fioritures obligées du bel canto à l’action avec une aisance toute rossinienne.

Le site officiel de l’Opéra National de Paris