Avec "Tonic Immobility", le super-groupe réunissant Mike Patton, Duane Denison, John Stanier et Trevor Dunn excelle à nouveau dans le métal expérimental (mais pas que) le plus barge possible !

Il est de ces évènements à côté desquels on ne peut décemment pas passer. Un nouveau Tomahawk, huit longues années après le dernier album studio en date, c’est un cadeau tombé du ciel. S’il est un « super-groupe » qui assume parfaitement ce statut tout en lui tordant le cou, c’est bien cette réunion de vieux briscards à qui même le plus savant des singes n’arrivera pas à apprendre à faire la grimace.

Mike Patton (Faith No More, Mr. Bungle), Duane Denison (The Jesus Lizard), John Stanier (Helmet, Battles) et Trevor Dunn (Mr. Bungle, Fantômas) possèdent chacun un CV qui ferait pâlir de jalousie n’importe quel musicien expérimenté à la recherche d’une crédibilité indie-rock pour briller en société. Ils s’en cognent comme de l’an quarante.

En vingt ans, Tomahawk s’est amusé à mixer musique de western, rock indé, sonorités agressives et dissonantes, ambiances angoissantes à la limite du film d’épouvante et refrains puissants pour livrer un résultat unique en son genre. Refaire du Faith no Helmet à la sauce Mr. Lizard eut été trop facile. Et si la musique était l’arme ultime pour lutter contre l’immobilité contrainte et forcée, une solution miracle pour éviter de partir en vrille ?

Tomahawk "Dog Eat Dog" (Official Video)

Ipecac Recordings

C’est ce qu’on dû penser les quatre compères au moment de donner un nom à cet album de 2021. Tonic Immobility est à la fois un parfait résumé de ce que le groupe a su faire de mieux tout au long de sa carrière et une ouverture sur de nouvelles pistes à explorer. Toute la force du travail réalisé réside dans cet équilibre parfait entre la folie vocale d’un Patton capable de passer du crooner au psychopathe hurleur, le jeu de guitare inspiré de Denison et la mise en place impeccable de la section rythmique (malin est celui qui réussira à coller Stanier sur la régularité de sa frappe, ce dernier ayant dû voir le jour avec un métronome à la place du cerveau).

Du Shhh ! d’ouverture aussi inquiétant et discret que soudainement explosif au Dog Eat Dog de clôture, massif et puissant, Tomahawk joue avec les ambiances (le côté western spaghetti de Doomsday Fatigue) et casse les codes (la guitare de Predators and Scavengers pourrait servir à un album de thrash metal alors que le chant décalé et dérangeant semble flotter au-dessus de manière malsaine).

Tomahawk "Predators and Scavengers" (Official Video)

Ipecac Recordings

Là où le combo a su briller plus que les autres, c’est en évitant soigneusement d’en faire des tonnes et surtout pendant trop longtemps. Avec une moyenne de trois minutes par morceau, tout est dit. Pas besoin d’étirer le propos pour mettre en avant le savoir-faire de chacun. Malgré la folie apparente qu’abrite chaque chanson, Tomahawk est un vrai groupe, certes barré mais cohérent, et non une sorte d’exutoire pour musiciens en mal d’expérimentation. C’est ce qui fait toute la différence. Tonic Immobility est à ce titre une réussite exemplaire. Cinglé juste ce qu’il faut, mais jamais excessif.

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