Album de la semaine

En juin 2022, Joni Mitchell faisait un retour surprise sur scène, au festival folk de Newport, où elle s’était produite 54 ans auparavant, en 1969. A 79 ans, la légende du folk était entourée du chanteur de Dawes Taylor Goldsmith, Marcus Mumford de Mumford & Sons, Shooter Jennings, le fils de Waylon, ou encore d’Allison Russell et Wynonna Judd. Un retour symbolique à l’endroit où elle a construit sa légende – elle a joué à Newport en 1967, 68 et 69. Avec ce live, publié un an plus tard sous un titre sobre bien 60′s At Newport, elle ajoute un chapitre à une discographie entamée avec Songs to a Seagull en 1968, tandis que son dernier album studio, Shine, date de 2007.

Entre les deux, une discographie d’une grosse quinzaine d’albums, qui s’est construite comme une traversée, un voyage d’altitude dans un ciel clair, mouvant et émouvant. Joni Mitchell est la figure de proue du folk féminin des années 70. Une voix de cristal qui sait se faire sensuelle, des chansons étales qui hypnotisent ses auditeurs, une magicienne qui transforme les antiques grimoires folk en journaux intimes (ou inversement)… Mais son œuvre et son héritage vont bien au-delà du folklore et des lieux communs d’une époque. Joni Mitchell a traversé le temps en suivant sa voie, ou plutôt en l’ouvrant. De ses albums qui tournent comme les tables pendant une séance de spiritisme, l’histoire aura d’abord retenu Blue, son chef-d’œuvre de 1971. Mais il y en a eu beaucoup d’autres, témoins de l’aventure d’une chanteuse qui plane et vogue vers le jazz ou la pop orchestrale avec la même profondeur, une exigence et une musicalité sans égales.

Depuis les années 2000, Joni Mitchell était de plus en plus absente de la scène et des bacs de disques, et de moins en moins un sujet d’actualité. Toujours présente, mais du côté de la nostalgie ou de la redécouverte, devenue une référence qui traverse les époques et les générations. Elle avouait elle-même s’être mise en retraite, plus qu’en retrait.

Et puis on a cru l’avoir perdue pour de bon. Le 31 mars 2015 à Los Angeles, elle était hospitalisée en urgence pour une rupture d’anévrisme qui lui laisse de graves séquelles. Pendant plus de cinq ans, elle devra d’abord réapprendre à parler et marcher, puis à chanter et rejouer de la guitare... Pour cette chanteuse qui a toujours évolué et grandi, le temps semble s’être définitivement arrêté. Encore plus que les précédentes, les années 2020 s’annonçaient comme celles de l’absence et du souvenir, entretenu par les rééditions et les compilations de ses illustres albums du XXe siècle (merci le label Rhino), quelques interviews et un passage à la cérémonie des Grammy’s en 2022.

Mais non, ce grand retour de Joni Mitchell sur scène et désormais sur disque est à la fois une surprise, un cadeau et une cérémonie. Pas d’adieu, mais de renaissance.