Look de maquereau, coke en stock et attitude mégalo-rebelle, Rick James fut l’électron libre de la planète funk. Dans les excès de sa vie comme de sa musique, il incarna la face folle de l’Amérique des années 80. Laissez Prince tranquille deux minutes et redécouvrez ce funkster cinq étoiles !

Au début des années 80, Rick James est le seul à apporter à Motown la hargne funky et, en prime, un son nouveau. Le parcours du natif de Buffalo (dans l’Etat de New York) est atypique car baigné de toutes les formes musicales possibles. Autodidacte ouvert au R&B (Wilson Pickett), à la pop (Beatles), au rock’n’roll (Chuck Berry, Jimi Hendrix), à la soul (Sam Cooke, Curtis Mayfield), au jazz (Sonny Rollins, Max Roach, Miles Davis) et au folk (Bob Dylan), il lance sa carrière en 1965 au Canada où il s’est installé pour fuir l’enrôlement dans les troupes américaines envoyées au Vietnam. Là, à Toronto, il monte son propre groupe, les Mynah Birds avec à la basse Bruce Palmer et à la guitare un certain… Neil Young !

The Mynah Birds - featuring Neil Young and Rick James

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Baptisé le « Jagger noir » par ses confrères, Rick enregistre plusieurs singles qui ne verront jamais le jour. La suite sera plus fructueuse pour Palmer et Young partis monter le Buffalo Springfield. Rick James passe quant à lui la période 70-76 à la tête de combos oubliés (Main Line, White Cane, etc.). En 1977, sa nouvelle formation, Stone City Band, livre un funk rock nerveux plutôt inédit pour l’époque. Berry Gordy, cerveau du label Motown, est séduit et le signe pour un premier album finalement publié sous le nom de Rick James & The Stone City Band. Avec Come Get It ! (1978), le funk retrouve ses couleurs.

L’année suivante, Bustin’ Out of L Seven place Rick James à la deuxième place des charts R&B. Alors que les ondes vomissent du disco à longueur de journée, sa musique célèbre les préceptes de Sly Stone et du P-Funk de George Clinton enrobés d’un son plus moderne. Le public suit. Rick tourne alors à travers les États-Unis (un certain Prince fait sa première partie) mais Fire It Up en 1979 et Garden of Love en 1980 laissent présager une fin de carrière prématurée. Rick James est au fond du trou, réduit à l’état de junkie…

Rick James - Give It To Me Baby

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À la surprise générale, son album d’avril 1981, Street Songs, vient non seulement anéantir tous ces ragots mais propulser l’ancien collègue de bureau de Neil Young au sommet des charts R&B et… à la troisième place des charts pop ! Pour le critique Craig Werner, Street Songs n’est rien moins que le pont entre le P-Funk et Purple Rain de Prince. Impeccable instantané de la musique noire américaine de ce début des années 80, Street Songs est la meilleure assimilation du disco que le funk ait proposée jusqu’ici. Rick James n’utilise que la substantifique moelle du disco qu’il injecte à son funk cru, épuré et sauvage. Le but est sûrement de remplir le dancefloor, les textes sont tout sauf décervelés. Ghetto Life, Below The Funk (Pass The J) et Mr. Policeman apportent une caution sociale, tandis que Give It to Me Baby, Make Love to Me, Fire and Desire et l’imparable Super Freak sont des cartes postales bien vicieuses et groovy auxquelles le public s’identifie rapidement.

Rick James - Super Freak (Official Music Video)

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Comme souvent lorsque l’on touche les sommets de la musique black, le héros maîtrise toutes les étapes de son œuvre : paroles, musique, production, arrangements, Rick James est l’artiste complet ! La rue, la drogue, les violences policières, les ghettos, le sexe a gogo, tous les thèmes qu’il aborde nourriront la musique noire américaine des années à venir, le gangsta rap en tête. Trente ans plus tard, la pochette de Street Songs fait sourire : Rick le macho cinq étoiles, emballé dans une combinaison de cuir noire, chaussé de santiags vernies rouge fluo piquées au Chat botté, s’appuie contre le réverbère d’une rue sombre de New York, sa basse Rickenbacker blanche en bandoulière… Un sommet kitch de l’exubérance en plastique des années 80. Mais surtout, la version 81 des tables de la loi funk de Sly, Clinton et James Brown. La rythmique louche vers des sonorités new wave, les guitares abordent les rives du metal, Street Songs est l’antidote au Celebration de Kool & The Gang ou au Fantasy d’Earth, Wind & Fire. New funk, naked funk, punk funk, toutes les étiquettes y passent ! Pour Motown, Street Songs est surtout un don (financier) du ciel.

Ayant atteint le sommet, Rick James peut commencer sa descente aux enfers. Et quelle descente ! Si Throwin’ Down (1982) et Cold Blooded (1983) se vendent très bien, leur contenu n’égale pas Street Songs. Rick profite de sa notoriété pour lancer les Mary Jane Girls (son girl group trashy), s’occuper de la énième reformation des Temptations et produire le comédien Eddie Murphy (en plein Flic de Beverly Hills), mais surtout consommer tout ce qui lui passe sous la main en quantité astronomique. Cures de désintoxication et escales au tribunal ponctuent la sortie de ses albums de 1985 (Glow), 1986 (The Flag) et 1988 (Wonderful). Rick James a beau fréquenter les stars du rap, ses disques de plus en plus complaisants s’éloignent de la rue. Sa carrière en déclin ressemble alors à s’y méprendre à celle de son idole, Sly Stone. En 1991 puis 1994, il passe de nouveaux longs séjours en prison. Dope, proxénétisme et violence : son quotidien est celui des personnages de ses chansons. Il tente un come-back sans réel succès (Urban Rhapsody avec Snoop Dogg en 1997), ses revenus se limitant aux samples qu’utilisent les rappeurs comme Jay-Z, Mary J Blige et surtout MC Hammer qui construit, en 1990, son U Can’t Touch This avec le riff de Super Freak

I'm RickJames Trailer

Christian Stoehr

Le 6 août 2004, Rick James est retrouvé mort à son domicile de Los Angeles. L’autopsie révèle un corps alors truffé d’anxiolytiques, de méthamphétamine et de cocaïne… Rick James n’aura jamais su gérer le succès de ses Streets Songs et ses abus en tous genres. Il n’imaginait pas que sa dégringolade coïnciderait avec la montée en puissance de son élève le plus doué : un dénommé Rogers Nelson plus connu sous le pseudo de Prince… Un mois avant sa mort, le 29 juin 2004 lors de la cérémonie des quatrièmes BET Awards, après avoir interprété Fire & Desire avec Teena Marie, Rick James revient sur scène pour remettre un prix et se lance dans une petite précision adressée à une jeune inconnue qui, dans les backstages, ne l’avait pas reconnue : « Never mind who you thought I was, I’m Rick James, bitch ! »

Rick James:The Greatest Comeback Ever

George McFly

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