De l’ancestral rara aux artistes les plus contemporains, la musique en Haïti est une histoire longue, riche et toujours vivante, faite de créolisation en tous genres et de retour aux racines. La voici contée en dix étapes.

Pour tout connaître et comprendre de la musique haïtienne, il faudrait être sur place et avoir le pouvoir de voyager dans l’espace-temps. Une oreille en Afrique avec les ancêtres des esclaves, une autre au Canada, à New York, Miami, La Nouvelle-Orléans ou en France avec les Haïtiens de la diaspora, et encore une oreille dans l’outre-monde des divinités vaudoues… Comme toutes les musiques des Caraïbes, celle d’Haïti est née de métissages et de créolisation entre l’héritage des esclaves africains et celui des colons (espagnols, français puis nord-américains). Puis elle a évolué et trouvé ses multiples échos en exil. C’est une musique complexe et pourtant terrienne, dure et généreuse, qui exprime la spiritualité, la fierté, la résistance (à l’oppression politique, à la violence de la société et de la nature) et le salut par la danse. Si forte qu’elle a traversé toutes les générations et surmonté toutes les adversités.

Rara

Dans son versant festif, pendant la période de carnaval, la musique vaudoue connue sous le nom de rara ramène Haïti à la terre, à la transe, à l’Afrique. Chant, tambours, cornets de zinc et flûtes de bambou (puis de PVC) s’entrechoquent et s’entremêlent dans une musique folle, « où l’on pousse le défoulement jusqu'à quitter l’ici-bas pour voler avec les esprits », comme dit le bien nommé chanteur haïtien Carlton Rara. Mais c’est aussi une musique rituelle illicite, cachée dans les campagnes, d’abord réservée aux pratiquants du culte vaudou et aux ethnomusicologues, et dont les rythmes saccadés libèrent la raison et les jambes. Et si le rara d’Haïti ne ressemble à aucune autre musique des Caraïbes, c’est peut-être grâce aux ingrédients non frelatés de sa créolisation : il serait né de la rencontre entre la musique des esclaves venus d’Afrique et celle des Amérindiens Taïnos, en dehors de l’influence coloniale européenne.

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