Deux styles de musique se partagent l'île de La Réunion, le séga et le maloya. Les deux se dansent, mais le maloya est aussi une musique de révolte et d'expression spirituelle. Genre ancestral mais toujours remuant, le maloya a très bien su s’adapter aux préoccupations et aux variations musicales du monde moderne. Des premiers enregistrements à ses hybrides électroniques, petit tour de l’île sur un rythme ternaire…

Le maloya passionne les historiens, les anthropologues, les musicologues et tous les amateurs de musiques non frelatées. Preuve de son importance culturelle, l’Unesco l’a classé au patrimoine immatériel de l’humanité en 2009. Cette musique vient de La Réunion, une île vierge jusqu’au XVIe siècle, colonisée par la France qui met au travail des esclaves dans les plantations de café. Progressivement habitée par des populations originaires d’Afrique, d’Inde, de France ou de Madagascar, l’île finit par conceptualiser son propre style de musique inspiré des chants des esclaves, le maloya, qu’on surnomme parfois le “blues créole”. Fleur sauvage, le maloya, dont le nom viendrait du mot malgache “maloy aho” (parler), est, dans sa version traditionnelle, joué avec des instruments acoustiques comme le kayamb, un hochet rectangulaire fabriqué avec des tiges de canne à sucre et des graines ; le bobre, un arc musical cousin du berimbau brésilien ; le pikèr, un cylindre de bambou frappé avec des baguettes ; le roulèr, un tambour basse. Avec un tel attirail, le maloya est forcément une musique très rythmique, dont les saccades ternaires complexes donnent au non-initié envie de danser, mais sans qu’il sache trop comment.

Dans la forme, vu de loin, le maloya peut évoquer certaines musiques rurales et rituelles du Brésil ou de Haïti, voire la musique de Mardi-Gras de La Nouvelle-Orléans, ou les anciennes mélodies des quadrilles français en pays cajun. Le maloya est indissociable de la langue créole réunionnaise, et il est depuis toujours honoré par de sacrément bons poètes, et d’encore meilleurs vocalistes, hommes comme femmes. Il se décline en diverses variétés, du rituel religieux (dans les services kabaré des Malbars) aux productions purement récréatives en passant par le militantisme politique (il fut la bande-son de la lutte pour l’autonomie). De même, il diversifie sa forme musicale, en s’hybridant avec le rock, le jazz, le reggae, la musique électronique… C’est une musique de La Réunion mais qui se pratique aussi en métropole, dans la diaspora réunionnaise et au-delà.

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