Label fondateur de la scène électronique française, F Communications, lancé par Eric Morand et Laurent Garnier en avril 1994 et mis en sommeil en 2008, fête ses 25 ans avec une série de rééditions qui permet de se replonger dans une époque où house et techno se sont fait une place sous les projecteurs.

A la fin des années 80, il n’y a pas grand monde à Paris pour parler de musique électronique, que ce soit dans les médias ou dans les clubs, à part les soirées du photographe Jean-Claude Lagrèze ou celles des DJ’s anglais Colin Faver et Colin Holsgrove au Palace, où débute le jeune Laurent Garnier. Parmi la faune branchée qui se presse dans ces fêtes, un employé du label Barclay, Eric Morand, vient faire un peu de réseautage. Il faut dire qu’il se sent un peu seul au bureau à travailler les disques du label FFRR (créé par la future star de la dance music Pete Tong), qui sort les albums d’Orbital ou ceux des artistes du label Trax, fer de lance de la house chicagoane. Eric Morand reçoit toutes les semaines une flopée de disques, et il ne sait pas trop à qui les confier pour en faire la promotion. Il contacte alors Laurent Garnier, qui, justement, se plaignait dans une interview à Actuel de n’être en contact avec aucune maison de disques à Paris. De leur rencontre naît une amitié qui dure encore aujourd’hui. Morand s’est trouvé un nouvel allié dans la lutte pour la démocratisation de la musique électronique, mais au bureau, ce n’est toujours pas ça. Personne ne s’intéresse à ces sons. Quand Laurent Garnier se lance dans la production d’un premier maxi, Eric Morand fait passer la démo à son patron, Pascal Nègre, alors chez Barclay. Il raconte : “Je suis arrivé en lui disant : ‘Ecoute Pascal, je pense que ce serait vraiment intéressant de signer un artiste français de techno/house.’ Il était mort de rire, il m’a répondu : ‘On dirait du Jean-Michel Jarre, ça n'a aucun intérêt !’ C’est là que j'ai compris que je perdais mon temps dans cette boîte.”

Persuadé que “le seul moyen pour que cette musique soit reconnue dans l’Hexagone, c'est que les artistes français aient du succès à l'étranger”, Morand file chez Fnac Music, qui lui confie en 1991 les clés de son nouveau label Fnac Music Dance Division. Il peut enfin sortir les disques d’artistes français, et signe tout de suite Shazz (Shazz EP) Ludovic Navarre alias St Germain (Motherland et French Traxx) et Laurent Garnier (As French Connection ‎avec Mix Master Doody en 1991, Stronger by Design en 92). A côté de ça, le label se distingue en distribuant le catalogue de Warp, avec des noms aujourd’hui légendaires comme LFO, Nightmare On Wax ou Aphex Twin. Mais à l’époque, ils sont encore inconnus. “On a mordu la poussière, se souvient Eric Morand. Les journalistes disaient “c’est pas de la musique, c'est de l'ordinateur”. On en a vendu quelques dizaines à la Fnac, mais les disquaires spécialisés se fournissaient directement en import depuis Londres ou New York. C’était vraiment dur mais je gardais cette idée de faire réussir des Français pour entraîner le reste.”

Pendant deux ans, de 91 à 93, Morand lutte contre la culture de la musique française, et les regards incendiaires d’ingénieurs du son venus du rock et de la chanson. “Quand je leur parlais de compresser le son, de monter les niveaux à fond, ils me regardaient comme un petit con qui les faisait chier.” C’était pareil pour l’export, où les professionnels parisiens travaillaient surtout la world music. “Ils n'avaient aucun compte ouvert avec les grossistes en musique électronique à Londres, New York ou en Belgique. Il n'y avait aucun réseau, donc à cette époque, si on arrive à exporter 50 maxis, c'est la fête.” Pour y remédier, fin 92. Fnac fait venir un grossiste d’Allemagne pour l’aider à pousser les ventes de vinyles, qui décollent grâce à ses contacts chez le label Discomania, spécialisé dans la trance.

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