Correspondances intimes, ou l’évocation d’une relation si étroite entre une œuvre et un interprète que ce dernier l’a réenregistré plusieurs fois. Ici, la pianiste Alicia de Larrocha et Iberia d’Albéniz. Retour sur ses trois enregistrements.

Alicia de Larrocha demeure une interprète incontestée de la musique de son pays, de Soler à Montsalvatge. Elle remit constamment sur le métier tous ces compositeurs, certains parfois plus que d’autres. Tel est le cas d’Isaac Albéniz (1860-1909). Elle grava à trois reprises Iberia. Son premier enregistrement qui date du début des années soixante et qui fut réalisé pour Hispavox et ensuite réédité à de nombreuses reprises par Emi, la fit réellement connaître du monde musical, et familiarisa davantage le public avec l’un des cycles pour piano emblématiques du XXe siècle – en son temps, Messiaen y vouait une admiration presque plus grande que pour toute la musique pour piano de son cher Claude Debussy… Au début des années 1970, la pianiste espagnole signe un contrat d’exclusivité avec la maison britannique Decca. Après quelques sessions d’enregistrements consacrés à Bach, Schumann, Mendelssohn, Grieg ou Fauré, elle décide de se consacrer de nouveau à la musique espagnole, et, entre le 13 et le 19 mai 1972, dans le Studio n°3 de West Hampstead, elle grave l’intégralité de l’œuvre d’Albéniz pour la deuxième fois, sessions que nous ne connaissons en réalité pas du tout. Sans doute la pianiste n’était-elle pas satisfaite- les bandes sont-elles perdues? Huit mois plus tard, entre le 22 et le 24 janvier 1973, elle recommence alors son « deuxième » enregistrement, cette fois-ci dans la superbe acoustique de Kingsway Hall. Quant à son troisième enregistrement, il date de 1986, et Decca le réalisa à l’Institut de Musique de l’Université de Cambridge, entre les 17 et 19 septembre, puis le 15 décembre.

Le premier jet d’Alicia de Larrocha reste dans l’esprit des mélomanes le plus accompli. Sa virtuosité exceptionnelle donne à l’œuvre cet élan nécessaire, cette énergie inépuisable qui unifie les quatre cahiers. Par ailleurs, le toucher de la musicienne espagnole, à la fois caressant et aux attaques infiniment variées (El Albaicín, plus rapide), regorge de couleurs, et capte la lumière aveuglante du Soleil d’Espagne. Par ailleurs, l’instrument employé, un Steinway des années 1920, permet de toute évidence à Alicia de Larrocha une diversité dans les éclairages et des attaques plus franches. Les autres enregistrements de la pianiste restent profondément attachants, même si – peut-être - il n’en ressort pas la même impression de liberté et de naturel. En réalité, ils éclairent sous un jour plus nostalgique le recueil d’Albéniz. En 1973, Alicia de Larrocha paraît ainsi nettement plus contemplative et sereine (Evocacion, El Albaicín). Alors que sa première version frappe par sa violence et ses mouvements plutôt prestes, les suivantes étonnent par leur désir d’éternité ; leur esprit général tend vers l’hypnotisme… Beauté du son, envoûtement par les harmonies… Décidément Alicia de Larrocha est suprême dans cette musique…

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Iberia, Navarra

(Enregistrement Hispavox de 1962) CLASSIQUE - PARU août 2006 – EMI CLASSICS – 19,99 €€ (+ Granados : Goyescas – Enregistrement Hispavox du début des années 1960) En qualité CD

Iberia, Navarra

(Enregistrement de 1973) CLASSIQUE - PARU juin 2007 – DECCA – 19,99 €€ (+ Granados : Goyescas – Enregistrement Decca réalisé au Kingsway Hall, les 16-19 décembre 1975, et les 10-13 décembre 1976) En qualité CD

Iberia, Navarra

(Enregistrement de 1986) CLASSIQUE - PARU septembre 2008 – DECCA – 19,99 €€ (+ Albéniz : Suite espagnole – Enregistrement Decca réalisé durant les mêmes sessions) En qualité CD

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