Jugeant que la loi contre le piratage instaurait une présomption de culpabilité incompatible avec le droit français, les Sages ont retiré à la commission de protection des droits de l'Hadopi son pouvoir de sanction.

Le 10 juin, le Conseil constitutionnel a censuré la partie sanction de la loi Hadopi sur le téléchargement illégal, celle communément appelée « riposte graduée ». Considérant qu'« internet est une composante de la liberté d'expression et de consommation, et qu'en droit français c'est la présomption d'innocence qui prime », le Conseil constitutionnel rappelle que « c'est à la justice de prononcer une sanction lorsqu'il est établi qu'il y a des téléchargements illégaux. Le rôle de l'Hadopi est d'avertir le téléchargeur qu'il a été repéré, mais pas de le sanctionner », concluent les Sages.

Le 19 mai dernier, les députés socialistes avaient déposé un recours contre la loi Hadopi sanctionnant le téléchargement illégal devant le Conseil constitutionnel. Adopté le 13 mai, le projet de loi prévoyait de sanctionner le téléchargement illégal par une suspension de l'accès Internet, après deux mises en garde. La sanction devait être prononcée par une nouvelle Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.

« J'exulte » s'est exclamé Patrick Bloche, député PS de Paris et fervent opposant au projet de loi, contacté par Le Monde.fr. « Cette décision correspond exactement à notre position qui est de dire qu'internet est un droit fondamental ».

De son côté, l'ancienne ministre socialiste et sénatrice Catherine Tasca a déclaré mercredi à l'AFP que cette décision « est lourde de conséquence pour la protection du droit d'auteur et le piratage. On arrive à une judiciarisation dans tous les domaines qui me paraît plutôt dommageable pour tous les usagers ». Pour elle, cette décision « remet en question un long débat pour arriver avec de grandes difficultés à ce dispositif ». Contrairement aux députés PS, les sénateurs PS avaient voté pour le texte en première lecture, avant de refuser de voter lors de l'examen définitif.

Enfin, dans un communiqué baptisé Le Conseil Constitutionnel : plus sévère que le Parlement, les producteurs membres du SNEP et de la SCPP déclarent se réjouir « de la mise en place d’une Haute Autorité dédiée à la défense de la propriété intellectuelle sur internet et du dispositif pédagogique destiné aux internautes grâce à l’envoi de messages d’avertissement. En renvoyant au juge la responsabilité de prononcer des sanctions, le Conseil Constitutionnel replace les téléchargements illégaux sur internet dans le champ des sanctions applicables à la contrefaçon et renforce ainsi le caractère dissuasif des messages envoyés par l’Hadopi. Le juge suprême reconnaît ainsi la gravité de la violation des droits d’auteur et des droits voisins. Le dispositif d’avertissements de l’Hadopi et l’intervention de l’autorité judiciaire constitueront ainsi un cadre efficace contre les pratiques illicites sur Internet. Le SNEP et la SCPP attendent que les décrets d’application puissent être publiés le plus rapidement possible et que la Chancellerie puisse désigner dans les meilleurs délais les magistrats spécialisés en la matière. »