Apple a annoncé que iTunes supprimerait d'ici à la fin mars les DRM, dispositifs anticopie, de la musique vendue sur sa plateforme iTunes.

Cette annonce a été faite lors du salon Macworld Expo à San Francisco à l'occasion de la présentation par le vice-président du marketing d'Apple, Phil Schiller, du nouveau modèle de l'ordinateur MacBook Pro et d'améliorations aux logiciels qui équipent la gamme Macintosh.

« Nous avons travaillé avec toutes les principales maisons de disques et, à partir d'aujourd'hui, iTunes va offrir 8 millions de chansons sans DRM (Digital Rights Management), et d'ici à la fin du trimestre l'ensemble des 10 millions de chansons (sic) seront sans DRM », a indiqué Schiller, un sacré musicologue, qui prend Beethoven pour un chanteur. Huit millions de chansons certes, et combien de millions de dollars aux majors pour qu'elles acceptent ? Cela n'a pas été précisé…

Selon un tarif décidé par les maisons de disques, les titres seront vendus à 69 cents, 99 cents ou 1,29 dollar. « Nous savons déjà que davantage de chansons seront offertes à 69 cents qu'à 1,29 dollar », a affirmé Schiller.

Encodées en AAC à 256 kbps, les morceaux pourront être écoutés depuis tout terminal compatible avec ce format. D'autre part, il devient possible de télécharger de la musique avec iTunes sur les iPod et les iPhone 3G, non plus seulement en connexion wifi mais aussi en connexion 3G.

Cette annonce vient frapper les trois coups de la vraie révolution de la musique en ligne, et en tourne définitivement une première page.

Au cours des dernières années, Apple a d'abord rendu un très grand service à l'industrie, en mettant au point le premier magasin efficace de musique légale, et en valorisant correctement les catalogues - tout en installant un système pernicieux, totalement orienté "tubes" et qui ne favorise pas la vente d'albums, en désintégrant le travail des artistes et des producteurs.

Parce que la musique en ligne légale a d'abord été américaine de ce fait, iTunes a acquis une suprématie qui va rester pour longtemps une épine dans le pied des acteurs européens de la culture, qui n'ont pas pris la mesure de l'impérative nécessité qu'il y avait à construire, en France et en Europe, une vraie riposte propre à rééquilibrer les forces en présence dans les domaines de la distribution au consommateur et de la distribution intermédiaire. Pardon d'être un peu grossier, mais on aura trop fait de gâteries à Apple, et on va le payer cher.

La vérité vraie est que la non-interopérabilité de la DRM Fair Play de Apple a aggravé le clivage musique légale / musique piratée, et freiné l'expansion de la musique légale, laissant à Microsoft le malheureux privilège d'être la principale technologie de DRM, honnie par les utilisateurs.

Alors que le marché de la musique en ligne légale va s'étendre enfin, avec en ligne de mire comme toujours la volonté de vendre des baladeurs plus que de la musique réellement, iTunes fait tomber sa DRM et à la fois va permettre à l'ensemble des plateformes, y-compris Qobuz, de laisser tomber la DRM imposée par certains producteurs.

Mais la longue période des DRM qui auront emmerdé tout le monde aura fait le jeu d'Apple au détriment des artistes indépendants, de la musique de qualité et des répertoires qui ne sont pas les "chansons" chères à ce monsieur de Apple. Le combat pour une musique en ligne de qualité, pour que le consommateur exigeant ne soit pas traité comme un teenager glandouillard, et que Beethoven ne soit pas traité comme une bimbo brailleuse, ne fait que commencer.

Par derrière, c'est tout un ensemble de valeurs culturelles qu'il faudra revaloriser, afin que le patrimoine de la musique enregistrée soit valorisé. Au moins, sur ce point, iTunes, qui se fout comme de l'An 40 de la dimension culturelle de sa mission, a beaucoup de retard. On ne peut pas tout avoir !

Yves Riesel

Fondateur du site www.qobuz.com