Réunies à Musicora, les grandes voix de l'opéra d’hier et d’aujourd’hui souhaitent une réforme de l’enseignement du chant en France.

L'école française de chant est-elle en péril ? Selon l’AFP, les gloires d'hier et d'aujourd'hui s'en inquiètent et souhaitent une réforme de l'enseignement, voire la reconstitution des troupes, afin d'améliorer le sort des artistes lyriques de l'hexagone.

Le sujet a attiré de nombreux mélomanes lors d'une table ronde organisée, en collaboration avec le mensuel Opéra Magazine, dans le cadre du salon Musicora, qui s'est achevé le 22 mars à Paris. Le débat s'est tenu à l'initiative de la toute nouvelle Union pour la défense de l'école française de chant, animée par des artistes qui ont brillé à l'international dans les années 1950-80, les barytons Gabriel Bacquier (84 ans) et Robert Massard (83 ans) ou encore le ténor Michel Sénéchal (82 ans).

Tout est parti d'un blog (www.le-parlement-des-artistes.org) lancé au printemps 2008 et présentant un constat alarmiste : « Sur 174 solistes engagés en 2007-2008 à l'Opéra de Paris, seuls 22 sont francophones, français ou résidents » en France. Soit 12,6%.

« Ce n'est pas qu'il faille jouer les chauvins, ni priver des maisons du niveau de l'Opéra de Paris de l'apport artistique de quelques solistes invités d'exception », assurent les signataires de ce texte. « Mais la concurrence ne doit pas systématiquement jouer contre les chanteurs formés en France », poursuit cet appel signé notamment par le ténor Roberto Alagna.

D'où vient le problème ? L'association présidée par Gabriel Bacquier met en cause le taux des charges patronales que doivent acquitter les maisons d'opéra françaises, affirmant qu'il est de 44% pour un artiste résident en France, contre 15% pour un chanteur « venu de lointaines contrées. Il faudrait qu'un chanteur français puisse partir sur la même ligne de départ qu'un étranger, pas deux pas en arrière. Et ensuite, que le meilleur gagne ! », résume le baryton Ludovic Tézier, acclamé de Vienne à New York.

Bacquier, lui, milite pour la création d'une Union des artistes qui « n'aurait pas pour but d'empêcher l'engagement de chanteurs étrangers mais de protéger les artistes français ». Une organisation qui serait calquée sur la puissante AGMA (American Guild of Musical Artists), incontournable si l'on veut travailler dans un théâtre lyrique aux Etats-Unis.

Les vétérans Bacquier, Massard et Sénéchal souhaitent surtout la refondation des troupes de théâtre lyrique, qui ont disparu dans les années 70 en France alors qu'elles se sont maintenues dans les pays germaniques, afin de permettre aux chanteurs de faire leurs débuts, avec des contrats à la saison.

« Je suis l'exemple-type de quelqu'un qui a réussi grâce à une troupe. L'Opéra-Comique devrait être rendu à sa vocation première, celle d'une salle où l'on donne sa chance aux jeunes », estime Massard.

De son côté, Tézier est plus prudent car il se souvient des 80 représentations qu'il a dû enchaîner en une saison à Lucerne en Suisse : « Il faut faire attention aux modalités de fonctionnement des troupes. C'est formateur, mais ça peut être destructeur : j'ai fini cette saison sans la moindre envie d'ouvrir le bec ».

Tous sont convaincus que le combat passe par une réforme de l'enseignement du chant en France. « Le CNSM (Conservatoire national supérieur de musique) engage comme professeurs des gens qui n'ont jamais chanté et mis les pieds sur une scène », peste Sénéchal, ancien directeur de l'Ecole de chant de l'Opéra de Paris.

Le blog du Parlement des Artistes