Enfant prodige dans son pays natal, le pianiste brésilien, disparu en novembre 2021, est resté loin des bruyantes trompettes de la renommée. Ses mains de géant, sa technique aisée et virtuose étaient toujours au service d’une sonorité puissante, pleine et moelleuse. Qobuz revient sur le parcours de celui qui fut longtemps le « secret le mieux gardé du piano ».

Né dans l’État du Minas Gerais, connu pour ses fabuleuses églises baroques et ses pierres précieuses, Nelson Freire est un enfant maladif et introverti, ne se confiant qu’au piano qu’il commence à apprivoiser à l’âge de 3 ans en observant sa sœur. Ses progrès sont fulgurants, au point de remporter, à l’âge de 13 ans, le Concours international de piano de Rio de Janeiro en jouant le Concerto de l’Empereur de Beethoven. C’est là qu’il rencontre Guiomar Novaes, qui fait partie du jury et le prend aussitôt sous son aile bienfaisante. « Son jeu me fascinait. Sa sonorité était liquide, argentée, spontanée », dira-t-il.

Bientôt une bourse lui permet de venir travailler en Europe avec le légendaire professeur Bruno Seidlhofer à Vienne où il fait la connaissance de Martha Argerich, venue travailler avec le même professeur, mais aussi de Friedrich Gulda, Nikita Magaloff ou encore avec Stefan Askenase. Il a 15 ans, elle en a 18. Cette amitié durera jusqu’à sa mort, et s’il est un des rares musiciens à lui tenir tête, son amie d’enfance aura aussi de l’influence sur lui en l’initiant, par exemple, au jazz qui va devenir une de ses passions, la voix et l’art d’Ella Fitzgerald comme la joie communicative du pianiste Erroll Garner.

A la fin des années 1960, Nelson Freire commence à enregistrer quelques disques pour Columbia, à Munich, avec le chef d’orchestre Rudolf Kempe. D’abord remarqués et primés, ils sont ensuite complètement oubliés. Ce sont pourtant des merveilles avec trois grands concertos du répertoire : Tchaïkovski, Grieg et Schumann interprétés avec une virtuosité et un feu incomparables par le pianiste de 25 ans, possédé par la rage de jouer. Le reste du programme (aujourd’hui réédité et disponible sur votre Qobuz) est consacré aux compositeurs qui feront l’essentiel de son répertoire : Schumann, Brahms, Chopin et, également, Schubert. En 1972, Nelson Freire enregistre les Préludes de Chopin qui lui valent le prix Edison.

Une longue éclipse

Malgré ce début de carrière fulgurant dans 70 pays, Nelson Freire reste longtemps, comme on l’a souvent écrit, « le secret le mieux gardé du piano », connu des seuls pianistes et de quelques amateurs grâce à de fulgurants enregistrements à deux pianos avec Martha Argerich, comme la Suite N°2 de Rachmaninov, la Valse de Ravel ou encore les Variations Paganini de Witold Lutosławski. Sa réticence à s’exposer et à se faire connaître a quelque peu freiné une carrière qu’il ne recherchait pas vraiment. Il a fallu attendre le début du XXIe siècle pour qu’un contrat avec Decca ne mette le pianiste brésilien sur le devant de la scène internationale avec un enregistrement d’œuvres de Frédéric Chopin qui connaît un immense succès. C’est d’ailleurs dans cette dernière partie de sa vie que ses disques sont les plus réussis ; ils conjuguent une maturité épanouie à une incomparable beauté sonore.

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