Le mythe de Faust a inspiré bien des compositeurs, mais toutes les œuvres musico-faustiennes n'ont pas connu la même notoriété. Singulièrement, celles de deux figures majeures - Wagner et Liszt - font partie des plus rarement jouées. Riccardo Chailly les rassemble pour son retour au Philharmonique de Berlin, vendredi 29 novembre

Riccardo Chailly est loin d'être un inconnu au pupitre du Philharmonique de Berlin : il n'avait pas 27 ans lorsque Karajan l'invita pour y faire ses débuts, et l'heureuse coopération s'est poursuivie avec régularité et fidélité de part et d'autre. Pour son retour cette semaine, Chailly a soigneusement évité les grands poncifs symphoniques, préférant offrir au public berlinois - ainsi qu'aux aficionados heureux abonnés à la Salle de concerts numérique - deux ouvrages plus rarement donnés, pour différentes raisons.

L'Ouverture Faust de Wagner, pour commencer : si on ne la donne pas souvent, c'est premièrement qu'elle n'est "qu'une" ouverture de concert. A l'origine, vers 1840, Wagner avait envisagé d'écrire une Symphonie Faust en trois mouvements, mais après quelques temps il s'aperçut qu'il avait mieux à faire - des opéras, en l'occurrence, ainsi qu'à fuir ses créanciers d'un bout à l'autre de l'Europe - et rassembla les esquisses en une ouverture de concert, agrémentée de quelques idées nouvelles recyclées de ci, de là, cahin-caha ; l'ouvrage fut finalement achevé en 1855. Wagner profita également des conseils avisés de Liszt qui, pendant l'été 1854, avait lui-même très largement avancé sa propre Faust-Symphonie. Et justement, Chailly nous propose les deux ?uvres l'une après l'autre, pour mieux souligner les parentés et les différences. Les oreilles les plus aiguisées reconnaîtront dans le premier mouvement de Liszt quelques citations du Faust de Wagner.

Mephistopheles par Delacroix

Par contre, il serait vain de chercher dans la Faust-Symphonie de Liszt un quelconque programme suivant, même de loin, le déroulement du drame de Goethe ; il s'agit ici de trois mouvements destinés à caractériser les trois protagonistes principaux du Premier Faust de Goethe : le docteur Faust, Marguerite, et Méphistophéles. Si le premier mouvement rappelle Wagner, le deuxième schubertise de temps à autres avec Marguerite, tandis que le troisième - plus ou moins un scherzo jusqu'à mi-parcours - n'hésite pas à citer Berlioz et sa Ronde de sabbat de la Symphonie fantastique, parfois assez directement - il n'y faut voir aucun plagiat mais, au contraire, la marque d'une admiration évidente de Liszt pour son génial collègue.

Pour finir, quand même, Liszt se saisit des vers finaux du Faust II, confiés à un ch?ur et un ténor solo ; il n'est pas interdit d'y voir, en réalité, un quatrième mouvement enchaîné au scherzo mephistophélique qui précède car l'aspect quasiment angélique de la dernière moitié n'a vraiment plus rien à voir avec le vilain personnage ! Tout cela est à (re)découvrir dans la vision sans doute très dépouillée et pure que nous en offrira Riccardo Chailly, un chef tranquille qui sait magistralement s'effacer derrière les partitions qu'il dirige, tout en gardant un contrôle élégant et efficace mesure après mesure.

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Faust de Liszt par Beecham !