Avec son premier album, Eddy de Pretto secoue la chanson française...

Outre la référence à un groupe qui jouait lui-même avec les codes du genre, Cure, le titre du premier album d’Eddy de Pretto, peut recouvrir d'autres significations. La musique est-elle pour lui une manière de se désintoxiquer des excès qu’il évoque dans certaines chansons (Fête de trop) ? Ou bien la cure est-elle celle qu’il souhaite pour une société malade d’homophobie et autres violences envers ceux et celles qui refusent de rentrer dans le moule ? Ou bien est-ce tout simplement la sonorité cassante du mot qui a attiré l’auteur-compositeur-interprète ? Car Cure est un album dur. Eddy de Pretto est l’auteur (ou co-auteur) des paroles, lesquelles sont parfois d’une évidence déconcertante, comme dans ces passages de Kid, où il prend la voix d’un père homophobe : « Tu seras viril mon kid, je ne veux voir aucune once féminine ». Le message a le mérite d’être clair, à défaut d’être subtil. Même langage cash lorsqu'il évoque son penchant pour certaines pratiques sexuelles, en particulier « la feuille de rose » : « J’ai même glissé ma langue dans des bouches saliveuses/Dans de tous petits angles où l’on voit qu’les muqueuses ». Dans d’autres cas, les images sont plus poétiques et malines, comme dans Jimmy, chant d’amour à la Jean Genet en hommage à son dealer.

On l’aura compris, Eddy de Pretto parle sans ambages de son homosexualité dans son album. Mais c’est finalement moins l’évocation de son orientation sexuelle que la déconstruction radicale des codes sociaux liés au genre (gender) qui est le plus intéressant à observer dans ses chansons, en particulier dans celles qui évoquent les injonctions à se construire tel ou tel corps suivant le genre auquel on appartient (Genre). Il revendique clairement une « normalité » (Normal), qui s’exprime chez lui par une neutralité de genre. Et il faut admettre que ce discours est assez novateur dans la pop. Entre les maquillages bariolés de Boy George et le tuxedo de Marlene Dietrich, il existe donc une troisième voie à explorer, une autre manière de brouiller les pistes. La neutralité de genre est encore un vaste chantier en devenir, et qu’on aime ou non son style, Eddy de Pretto a au moins le courage d’essuyer les plâtres.

Le petit paradoxe qui fait le piment de son personnage, c’est qu’il crie haut et fort sa colère avec une voix forte (oserons-nous le terme « masculine » ?) à l’articulation parfaite, un timbre caractéristique qui fait de lui une sorte de « Claude Nougaro de Créteil » (l’accent en moins, donc). Autre petite provocation : musicalement il se tourne vers des rythmiques d’un genre musical – le rap – connu pour cultiver parfois le terreau de la binarité des genres. Mais il est aussi visiblement très attiré par la chanson française, dans tout ce qu’elle a de plus classique (certains le comparent même à Jacques Brel).

En mettant un coup de pieds dans la fourmilière d’une pop française souvent frileuse à l’idée de jouer avec les genres (musicaux ou sexuels), Eddy de Pretto s’est construit un personnage impossible à cerner avec précision. Et c’est avant tout pour cela qu’il est intéressant.

Eddy de Pretto - Kid (Clip Officiel)

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Eddy de Pretto - Fête de trop (Clip Officiel)

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Eddy de Pretto - Normal (Clip Officiel)

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