Grand manitou du festival haut-savoyard Guitare en Scène, Jacques Falda évoque l’édition 2023 avec Sting, Joe Bonamassa, Joss Stone, Nik West ou Porcupine Tree, qui se déroulera du 20 au 23 juillet à Saint-Julien-en-Genevois, en partenariat avec Qobuz.

Le festival a bien grandi depuis sa création en 2006. Comment a-t-il démarré ?

Jacques Falda : Tout est parti d’une soirée privée que j’avais organisée avec des amis. De cette soirée, nous nous sommes motivés pour faire cette première édition avec Kiko Loureiro, Gotthard, Ana Popovic. Nous n’étions pas rentrés dans nos frais et n’aspirions pas à tant. Mais, quand même, je dois avouer que dans un coin de mon esprit, il y avait un filet d’espoir pour que Guitare en Scène grandisse.

C’est donc un projet de copains !

Figurez-vous que beaucoup des personnes qui étaient avec moi en 2006 sont encore là aujourd’hui. D’autres se sont éloignées mais je mets un point d’honneur à continuer de faire grandir le festival avec des personnes de mon entourage. Guitare en Scène n’est pas mon gagne-pain, c’est ma passion. Mes entreprises et mon travail font que je connais beaucoup de monde et je fais participer tout cet univers à cette aventure.

Vous êtes parti d’une feuille blanche ou vous vous êtes inspiré d’autres festivals ?

Je ne fréquentais pas de festivals donc je n’avais pas d’idées préconçues sur ce que je devais faire ou ne pas faire. Nous avons cultivé notre manière de travailler et notre esprit. Il y a un esprit Guitare en Scène, et nous l’entretenons avec passion, c’est ce qui fait notre différence.

Vous ne céderez donc pas aux sirènes « grand public » ?

Cela ne nous intéresse pas. Beaucoup de festivals aujourd’hui proposent des affiches hyper variées, avec de l’électro, du rap, du rock, de la pop, de la musique du monde etc.. Les propositions hyper larges permettent de remplir la jauge. Mais quel est le projet derrière concrètement ? Est-ce une vision artistique ?

Et vous, votre ligne ?

Elle me semble claire, rien que par notre nom. Guitare en Scène. Nous axons notre proposition autour de cet instrument merveilleux qu’est la guitare. Avec une guitare, vous pouvez toucher à absolument tous les univers, et c’est aussi un instrument qui a toujours su se renouveler et innover. Plus que les autres. Regardez Tom Morello par exemple !

Vous ne fermez donc pas la porte à des approches extrêmement modernes comme le metal progressif de Polyphia ?

Je trouve ce qu’ils font hyper intéressant. C’est une approche très moderne oui, mais qui a définitivement sa place chez nous. Vous savez, je crois qu’un festival, c’est fait pour découvrir, pour s’ouvrir à l’idée de chambouler les habitudes. Et d’y aller franco ! Si jamais ça ne passe pas, vous pouvez toujours revenir vers ce que vous aimez, ou bien vous enfoncer un peu plus dans des contrées que vous ne visiteriez pas en temps normal.

Notre ligne artistique est basée sur la possibilité de vivre un moment que vous ne vivrez pas ailleurs.

En regardant l’histoire du festival, on a la sensation que vous avez changé de dimension lorsque vous avez fait venir Mark Knopfler en 2013.

Je suis d’accord. Je vais même aller plus loin, nous avons fait Mark Knopfler, et il est revenu deux fois ! (Rire.) Un ami me disait que si on arrivait à faire ça, on pourrait signer n’importe qui. Je me pince encore quand je me dis qu’il est venu chez nous ; même sa tournée d’adieu est passée par Guitare en Scène.

Il choisit soigneusement les endroits où il va…

Oui, et je sais qu’il a vraiment aimé notre approche. Lorsque je l’ai rencontré, j’ai eu la sensation de vivre quelque chose d’un peu hors du temps. C’est une personne hors norme, un peu introvertie mais tellement véritable. Il nous a fait un véritable honneur.

La particularité de Guitare en Scène, c’est le cadre, mais aussi la jauge bloquée à 5 000 personnes, ce qui donne aux concerts des aspects très intimistes.

Pour revenir à ce que nous disions tout à l’heure, vous pouvez raisonner de deux manières. Soit vous raisonnez en vente de billets et vous faites comme tout le monde et vous vous contentez de palper. Soit vous cherchez le moyen de tirer votre épingle du jeu. Notre ligne artistique est basée sur la possibilité de vivre un moment que vous ne vivrez pas ailleurs. Nous privilégierons toujours la découverte et la rareté.

Ceux qui ont vu Jeff Beck chez vous en 2022 ne pourront que vous donner raison.

Quand je pense que son dernier concert français s’est déroulé chez nous, j’ai du mal à y croire. (Silence) C’était un show magique, et son décès quelques mois après m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses. Notamment en lisant les hommages rendus par ses pairs. On pensait savoir à quel point Jeff était un guitariste de génie, mais on a toujours été loin de la vérité. On s’en rend encore plus compte aujourd’hui, alors qu’il n’est plus là.

En 2016, Santana fait monter Eric Gales sur scène pour un moment d’anthologie. Comment on arrive à créer ces instants uniques ?

(Rire.) Chez nous, ça se négocie à table autour d’un verre, et jusqu’au dernier moment, on ne sait pas si « le » moment va arriver. C’est à la discrétion des artistes, nous ne faisons qu’essayer de forcer un peu le destin à créer ces moments. On a Eric Gales qui revient cette année, le même jour que Bonamassa d’ailleurs. Qui sait ? Peut-être que ?

Vous étiez aussi le premier festival français à faire jouer Steven Wilson en solo.

Je peux vous dire que nous sommes très heureux de lui avoir fait confiance, et je crois que la réciproque est vraie. Il est ravi de revenir cette année avec Porcupine Tree, sur une journée pour le moins étonnante avec Wishbone Ash mais surtout Magma. Nous parlions tout à l’heure d’avoir une ligne directrice parfois couillue, mais surtout qui suscite l’intérêt. Je crois qu’on y sera non ? (Sourire.)

Des regrets pour cette édition ?

Nous avons failli signer deux groupes que je rêvais de faire venir : Megadeth et Queens Of The Stone Age. Hélas, quand le calendrier ne veut pas jouer avec nous… Nous espérons les faire venir dans les prochaines années. Kiko Loureiro, qui joue maintenant dans Megadeth, était sur l’affiche du tout premier Guitare en Scène de 2006. On a failli faire Cabrel également, je serais vraiment honoré qu’il vienne jouer chez nous.

Un objectif particulier pour les prochaines années ?

Il y a un groupe que j’aime bien, et dont le concept se prêterait bien à Guitare en Scène, c’est Ghost. Cela n’a pas pu se faire cette année malheureusement, mais nous ne tenons bon et espérons que Papa Emeritus mettra les pieds chez nous sur une future édition.

Prenez vite vos billets pour le festival Guitare en Scène !