Aussi insaisissable qu'influent, le rappeur MF DOOM est mort à 49 ans, laissant derrière lui une vaste discographie pleine de side projects et de collaborations éclectiques...

L’annonce de la mort de Daniel Dumile alias MF DOOM est à l’image des mystères qui ont toujours entouré le rappeur new-yorkais né à Londres et caché derrière un masque de fer : un post de sa femme sur les réseaux sociaux le 31 décembre 2020 révélant sa disparition deux mois plus tôt, le 31 octobre !

Les sorties de ce géant pour ne pas dire de ce mythe du rap underground étaient aussi aléatoires que géniales. Celui qui s’éclipse à l’âge de 49 ans n’a pas toujours été masqué. Sous le pseudo de Zev Love X, il illumina le rap du début des années 90 avec son petit frère Dingilizwe alias DJ Subroc au sein du groupe KMD. Adoubé par 3rd Bass qui l’accueille sur le tubesque single Gas Face en 1988, Dumile impose un flow et une plume proche de ceux du collectif Native Tongues au sein duquel brillent A Tribe Called Quest, les Jungle Brothers et De La Soul.

3rd Bass - The Gas Face

3rdBassVEVO

Deux ans plus tard, KMD sort enfin son premier album, le funky Mr. Hood, conscient et amusant à la fois. Mais le tapis rouge qui se déroule pour les frères Dumile prend soudainement feu : le 23 avril 1993, Subroc meurt renversé par une voiture à 19 ans et, dans la foulée, le label Elektra refuse de sortir Black Bastards, le deuxième album de KMD. Assez pour que Daniel Dumile se retire quelques temps du devant de la scène avant de réapparaitre progressivement lors de soirée open mic la tête recouverte d’un masque. Des maxis suivent avant un premier album atomique en 1999 sous le nom de MF DOOM : Operation: Doomsday.

KMD - Who Me (Video)

kennylavish

Une entrée fracassante car à des années-lumière du groove roi de la musique de KMD. Ici, DOOM ne caresse jamais le rap dans le sens du poil, osant des beats totalement déstructurés et lâchant le flow funky de ses débuts pour un style à contrepied, saccadé presque dérangeant. En plongeant ainsi dans l’avant-garde, il se démarque et devient le géniteur culte de toute une nouvelle génération de jeunes rappeurs ancrés dans la marge et dans la recherche permanente.

La suite continuera à déconcerter et à malmener les canons du genre comme avec sa passionnante série de dix albums instrumentaux, Special Herbs, ou ses multiples side projects autour de différentes identités (King Geedorah, Viktor Vaughn). En 2004, le énième ovni qui traverse sa discographie comptera davantage : en s’associant avec Madlib, producteur aussi insaisissable que lui, DOOM enregistre pour le label californien Stones Throw, Madvillainy. Ce projet Madvillain est le chef d’œuvre de ce tandem atypique qui associe samples obscures et improbables, lyrics underground et flow chaotique.

MF DOOM - Madvillain - Accordion

Stones Throw

MF DOOM travaillera par la suite avec des gens aussi divers que Danger Mouse (The Mouse and the Mask), le vrai-faux groupe Gorillaz (Demon Days), Flying Lotus, Earl Sweatshirt, Thundercat ou The Avalanches et sortira des albums toujours passionnants comme Key to the Kuffs avec Jneiro Jarel sous le nom de JJ Doom en 2012, NehruvianDoom avec Bishop Nehru en 2014 ou encore Czarface Meets Metal Face avec Czarface en 2018.

MF Doom - Doomsday

Tormatic

Sans oublier, sous le simple nom de MF DOOM cette fois, le grandiose et sombre Born Like This. Gazzillion Ear, l'un des titres de cet opus de 2009, sera même remixé par Thom Yorke de Radiohead, énième preuve de l’influence et de l’aura du bonhomme bien au-delà de la raposphère. Sa mort prématurée amplifiera sans doute encore plus le culte qui a toujours entouré cet artiste totalement à part…

MF DOOM - One Beer (Official Video)

Rhymesayers Entertainment