Julius Katchen
C’est un peu l’histoire d’un Américain à Paris. Né non loin de New York dans le New Jersey, Julius Katchen fait ses débuts à l’âge de 10 ans en jouant le Concerto en ré mineur de Mozart. Ayant eu vent de ce jeune prodige, Eugene Ormandy l’invite aussitôt pour jouer avec l’Orchestre de Philadelphie. Le jeune garçon avait commencé à étudié le piano avec ses grands parents maternels, des immigrés russes qui avaient été professeurs à Moscou et à Varsovie. Trois années de philosophie au Haveford College vont parachever ses études musicales. Choisi pour représenter les Etats-Unis à Paris lors du premier Festival International de l’UNESCO, il y joue le Concerto de l’Empereur de Beethoven avec l’Orchestre National. Paris lui plaît tant qu’il décide de s’y installer, tout surpris de découvrir la solidarité qui y règne entre pianistes, alors que tous les coups bas sont permis aux Etats-Unis où la concurrence est féroce. En 1956, il s’installe dans le Vésinet avec sa jeune épouse française où ils créent une extraordinaire collection de près de 200 netsuke, ces précieuses sculptures traditionnelles japonaises destinées à l’origine au maintien des kimonos.
La carrière du jeune pianiste américain démarre très brillamment. A l’orée des années cinquante il commence à enregistrer pour DECCA : les Troisième Concerto de Bartok et de Prokofiev avec Ansermet, le premier Concerto de Brahms avec Monteux, un mémorable 2e Concerto de Rachmaninov avec Solti. Pablo Casals l’invite à jouer auprès de lui au Festival de Prades. Les tournées se multiplient, Katchen joue avec les plus grands chefs de son époque : Klemperer, Jochum, Ansermet, Böhm, Solti, Kubelik, van Beinum, Boult, Argenta, Maag, Barbirolli, Klecki.
En 1963, il enregistre pour DECCA l’intégrale de la musique pour piano de Brahms, une première absolue au disque. Curieusement, on lui reproche d’être un virtuose dépourvu de sensibilité, alors que cet enregistrement n’a jamais été détrôné et fait toujours figure de référence aujourd’hui. Mais à chaque génération les critiques répètent les mêmes poncifs, comme s’il fallait être obligatoirement vieux et chenu pour posséder de l’intériorité.
Julius Katchen était un extraordinaire chambriste. Son enregistrement des Trois Sonates pour violon et piano de Brahms avec le violoniste Josef Suk restent au sommet de la discographie de ces œuvres. Le 20 août 1968, Katchen, Suk et l’immense violoncelliste Janos Starker sont aux Maltings de Snape, dans le Suffolk, pour terminer l’enregistrement des trois Trios avec piano du même Brahms. Au moment où ils commencent à enregistrer l’opus 8, les blindés soviétiques écrasent le « Printemps de Prague ». Katchen et ses deux amis tchèques, effondrés, expriment leur désarroi dans ce premier Trio dont l’interprétation pleine de ferveur nous émeut si fortement à chaque écoute. L’histoire du disque rejoint ici l’Histoire tout court.
Cette carrière fulgurante est brutalement interrompue par la grave maladie de Katchen qui a encore le temps de graver quelques disques en compagnie de son chef d’orchestre préféré, Istvàn Kertész, avec lequel il s’entend particulièrement bien. Le Concerto pour la main gauche de Ravel, la Rhapsody in blue de Gershwin et, à nouveau, le Troisième Concerto de Prokofiev seront les derniers témoignages de son art. Et quel art ! On s’étonne encore une fois des réactions négatives qui ont entouré le début de sa carrière. Sous ses doigts, l’adagio du Premier Concerto de Brahms (avec Pierre Monteux, en 1960) est d’une infinie tendresse, nimbée de rêve et de mélancolie, des qualités que l’on retrouve dans son intégrale Brahms, notamment dans les ultimes opus du compositeur vieillissant et malade. Julius Katchen meurt à Paris en 1969 à la suite d’un cancer. Quant à Istvàn Kertész,, il disparaîtra 4 ans plus tard, accidentellement, en se noyant pendant des vacances en Israël. Ils avaient pratiquement le même âge, 42 ans pour l’un et 43 pour l’autre.
© FH – décembre 2017 /Qobuz
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