Keeping Secrets Will Destroy You

Chronique

Dès le premier morceau, Like It or Not, la réponse est claire : on aime. Et même on adore. On ne compte plus les albums sortis par Will Oldham sous ses diverses incarnations (dont Bonnie « Prince » Billy) depuis une trentaine d'années. On les compte d'autant moins que celui-ci est particulièrement intemporel et en fera oublier beaucoup d'autres. Les ingrédients et la recette sont pourtant toujours les mêmes ou presque : une guitare acoustique à peine effleurée, des chœurs féminins qui s'impriment en transparence sur les chansons, quelques arrangements supplémentaires spartiates (ici du violon, de l'orgue, un peu de saxophone), des mélodies simples comme des chants de marins ou d'île déserte, et la voix unique, doucement éraillée, de Will Oldham pour incarner le tout. Rien de nouveau donc, mais un niveau d'épure et de beauté rarement atteint.                                                                                                                                                                                                       

On croirait Will Oldham revenu trente ans en arrière, période Palace Records, quand il ressemblait à un moineau tombé du nid et chantait la plus délicate des musiques tristes de l'époque. Ses nouvelles chansons sont épurées, nuancées, à la fois familières et imprévisibles – les arrangements de violon ou de saxophone les emmènent parfois vers des contrées oniriques. Mais en trente ans, le savoir-faire a remplacé la fragilité, la chaleur a gagné sur les ténèbres. Comme un peintre au long cours, Will Oldham remet ses morceaux sur le métier et affine, cherche la lumière naturelle et la simplicité (qui n'est pas la facilité). Ils ne sont plus réservés aux amateurs de guitares mal accordées et de malaise existentiel. Celles de Keeping Secrets Will Destroy You s'écoutent et se fredonnent comme des comptines, pour apaiser grands et petits. Enregistré dans son studio personnel du Kentucky avec des musiciens du coin, cet album rejoint déjà nos disques de chevet. © Stéphane Deschamps/Qobuz