La Chartreuse de Parme, opéra d’après l’œuvre de Stendhal, signé Henri Sauguet, est à l’affiche de l’Opéra de Marseille du 8 au 14 février avec Nathalie Manfrino. Qobuz est partenaire de cette série de représentations, et vous fera découvrir au fil des jours qui mènent à la Première l'oeuvre, le compositeur, son environnement, au moyen d'une série d'articles, d'interwiews, de documents...

Les programmateurs sont parfois critiqués pour leur manque d’ambition et de courage. Force est de constater qu’à Marseille, on ose !

En février, La Chartreuse de Parme, l’opéra oublié d’Henri Sauguet, s’installera à l’Opéra de Marseille pour une redécouverte à ne pas manquer. A la baguette, Lawrence Foster, à la mise en scène, Renée Auphan, et sur scène, Nathalie Manfrino, Marie-Ange Todorovitch, Sophie Pondjiclis, Sébastien Guèze, Nicolas Cavallier et Jean-Philippe Lafont. Quatre représentations pour cette production : mercredi 8 à 20h, vendredi 10 à 20h, dimanche 12 à 14h30 et mardi 14 février à 20h.

Sur un livret d’Armand Lunel, d’après l’œuvre de Stendhal, cet opéra achevé en 1936 fut créé à Paris, au Palais Garnier, le 20 mars 1939. Une création qui réunira tout de même Germaine Lubin en Sanseverina, Raoul Jobin en Fabrice del Dongo et Arthur Endrèze en comte Mosca ! L’idée d’adapter ce chef d’œuvre de la littérature trottait dans la tête d’Henri Sauguet depuis 1926. Transposant le romantisme italien dans son propre style, le compositeur signe ici une œuvre originale dont le langage, celui du XXe siècle, ne fait guère obstacle à une certaine nostalgie du passé. Il voulait aussi faire autrement, comme il l’expliqua à Lunel dans une correspondance : « Il faut que cette Chartreuse soit plus notre Chartreuse que celle de Stendhal : celui-là y aura son lot, mais c’est notre goût de la Chartreuse plus que la Chartreuse elle-même qu’il faut sentir dans notre œuvre ».

Si l’opéra remporte un franc succès public, la presse est nettement plus divisée. « À l’Opéra, nous venons d’assister à un opéra. Ceci peut avoir l’air cocasse, mais je vous assure que l’événement est trop important pour qu’on ne prenne pas la peine de bien le mettre en lumière. (…) Il est aisé de mesurer l’amour et la foi qui inspirèrent Sauguet et je tiens à déclarer nettement qu’elle me paraît avoir droit, désormais, à une place que personne ne saurait à cette heure lui disputer. (…) Il n’est pas douteux que la progression est saisissante, du premier tableau au dernier. Comment se refuserait-on à l’irrésistible beauté de ce dernier tableau, Le Sermon aux lumières, où un authentique jeune musicien nous offre le meilleur exemple, et le plus accompli, de ce que nous avons le droit d’attendre d’un théâtre lyrique humain, juste et d’une poignante noblesse ? », écrit Georges Auric dans Paris-Soir du 18 mars 1939. Dans les colonnes du Figaro, Reynaldo Hahn n’est pas du même avis, selon lui certains tableaux révèlent « une émotion évidente que j’ai, en partie, ressentie, car il y passe indéniablement un souffle chaud, une ardeur brûlante » en revanche il n’approuve pas le langage de Sauguet…

Dernier survivant d'une génération qui avait côtoyé Satie, Henri Sauguet fut l'un des rares compositeurs français à avoir intégré l'héritage debussyste dans un langage sobre, spontané et direct, l'esprit initial des Six… Né le 18 mai 1901 à Bordeaux, il se consacre très jeune au piano, au chant ainsi qu’à l'orgue. La guerre de 14/18 l'empêche d'entrer au Conservatoire. Pourtant, avec Louis Emié et Jean-Marcel Lizotte, il fonde à Bordeaux le Groupe des Trois dont le premier concert remonte à 1920. Invité à Paris par Darius Milhaud, il se lie avec le Groupe des Six et fréquente Satie. Il avait eu Canteloube pour professeur, Koechlin sera son maître. Il participe à la création de L'Ecole d'Arcueil et se fait rapidement un nom dans la capitale. En 1927, arrive la consécration lorsque Diaghilev lui commande un ballet, La Chatte, créé à Monte-Carlo avec Serge Lifar.

La renommée vaut à Sauguet un certain nombres de commandes. Et c'est en 1945 que vient la gloire internationale avec un autre ballet, Les Forains, qui fait aussitôt le tour du monde. Il est la coqueluche du Tout-Paris pour son esprit, son humour, ses talents de comédien, sa gentillesse et sa fidélité envers ses amis. Il assume diverses fonctions officielles au sein de sociétés telles que la SACD, la SACEM, la SDRM, etc. En 1976, il est élu à l'Académie des Beaux-Arts.

Henri Sauguet disait de son art : « Être simple en usant d'un langage complexe n'est pas facile. Il faut écouter le conseil de Rameau qui prescrivait de cacher l'art par l'art même et croire avec Stendhal que seules les âmes vaniteuses et froides confondent le compliqué, le difficile avec le beau. » Abordant tous les genres, non seulement l'opéra, l'orchestre, la musique de chambre et la mélodie, mais aussi la musique pour le cinéma, le théâtre, la radio ou la télévision, il ne s'arrête de composer qu'en 1987, deux ans avant sa disparition, dans la nuit de la Fête de la Musique…

A noter que France Musique retransmettra l’enregistrement de cette Chartreuse de Parme le 28 avril à 19h30.

Ecoutez notre playlist hommage à Henri Sauguet

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Ecoutez la seconde partie de notre rencontre-podcast avec Lionel Pons

Le site de l’Opéra de Marseille

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