La chanteuse australienne Angie McMahon sort son deuxième album « Light, Dark, Light Again », qui succède à l’acclamé « Salt » paru en 2019. Pour ce nouveau disque, Angie McMahon s’est associée au producteur Brad Cook et s’est inspirée de la région de Victoria en Australie comme de la Caroline du Nord aux USA. Qobuz l’a croisée lors de son passage à Melbourne pour discuter de créativité, de spiritualité et de la manière d’être authentique dans un monde qui brûle.

Vous attendiez-vous à ce que Salt récolte un tel succès ?

Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Je n’avais jamais sorti d’album auparavant, et je pense que je n’ai même pas réalisé à l’époque à quel point l’accueil fut exceptionnel. Je ne m’en suis rendu compte qu’après coup. Sur le moment, j’étais assez bouleversée et je me disais « Oh, c’est comme ça pour les gens ? » Mais maintenant, j’ai un peu plus de recul. On ne retrouve jamais le sentiment des débuts.

Aviez-vous la pression du calendrier pour la sortie du deuxième album ?

J’avais l’impression de prendre une éternité et je me mettais énormément de pression. Il m’a fallu beaucoup de temps pour me ressaisir et me sentir en phase avec ce que je devais faire. Les gens autour de moi ne me mettaient pas trop de pression parce que je pense que nous comprenions tous que le monde brûlait. Mais moi, je m’en suis mis depuis le premier jour. Je suis assez perfectionniste. Je ne m’en rendais pas compte avant. Je suis surtout exigeante sur le fait que les choses doivent être faites d’une certaine manière plutôt que réellement parfaites. Donc j’ai surtout lutté contre la pression que je me mettais à moi-même.

Comment gérez-vous cette pression du temps et de l’âge commune aux artistes ?

J’y travaille ! (Rire.) C’est un vrai piège culturel et je suis déterminée à me rebeller contre ça. Ça concerne encore plus les femmes, pour qui les portes se ferment dès qu’elles prennent de l’âge. Mais moi, ces portes, je les emmerde. Je base ma vie sur mes propres valeurs. Le poids ou l’âge sont des critères inventés par des hommes, je ne veux pas que ça me définisse. Notre société est obsédée par l’infantilisation des femmes, on célèbre leur jeunesse pour ensuite les jeter aux chiens.

Comment avez-vous appris à lâcher prise avec ce perfectionnisme ?

Sur le chemin de la collaboration ! À l’époque, je ne savais pas vraiment qui j’étais et je manquais de confiance en moi. Maintenant que j’en ai un peu plus, j’essaie d’équilibrer cela en essayant de faire confiance aux autres, aux personnes avec lesquelles je choisis de travailler, pour qu’elles se montrent elles aussi authentiques. Je fais davantage confiance aux gens parce que je me fais davantage confiance à moi… Je sais que si quelque chose ne va pas, je suis capable de la communiquer et d’assumer la perte de temps ou d’argent. Il faut pouvoir essayer et échouer. J’ai réalisé qu’être perfectionniste m’empêchait d’expérimenter des choses.

Angie McMahon exploding
Angie McMahon © Bridgette Winten

S’est-il produit quelque chose de particulier qui a déclenché cette nouvelle vision de la vie ?

Oui, il s’agissait du lent détachement d’une relation difficile – pourtant pas une relation amoureuse, ce qui est encore plus étrange. En même temps, j’ai dû réaliser que cette perte s’accompagnait de beaucoup de beauté et d’une grande compréhension. Grâce à cela, j’ai appris beaucoup de choses sur moi-même que je n’aurais jamais apprises autrement. J’ai laissé tomber l’ancienne version de moi et touché le fond. Et une fois au fond, j’ai trouvé beaucoup de plénitude et de possibilités. C’était la plus grande situation d’échec de ma vie. Et j’ai toujours eu peur de l’échec, mais il s’avère qu’il vous apprend beaucoup de choses. Je pense qu’une grande partie de l’album parle de ça, c’est un peu comme si j’essayais de m’encourager à prendre le chemin le plus difficile, à faire les choses les plus compliquées. De m’en rapprocher. Et d’apprendre à m’aimer moi-même au passage.

Angie McMahon
Angie McMahon © Taylor Ranston

Sur l’album, il y a ce titre Mother Nature, un morceau magnifique qui illustre l’idée d’être en équilibre entre être conscient de la situation du monde et trouver un espace pour encourager la créativité dans un monde qui brûle.

C’est vraiment difficile à faire. Vingt minutes avant cette interview, j’étais assise au piano et je jouais. Je ne l’avais pas fait depuis longtemps. J’ai eu une semaine difficile et cela m’a été très bénéfique. Jouer de la musique a toujours été ma façon d’évacuer les tensions. J’ai aussi l’impression que c’est ma raison d’être. Je dois aussi me rappeler de rester en contact avec ma communauté… Tout ce que j’ai appris, c’est grâce aux autres et à la nature. Il faut faire de la musique dans la joie, pas seulement pour le travail, c’est le meilleur remède contre le sentiment de solitude.

Être musicien professionnel est étrange. La musique est tellement personnelle. A un moment, c’est toute votre âme, et l’instant d’après, vous devez en faire une marchandise. Comment vous détachez-vous de cela ?

C’est difficile. Quand j’écris, au bout d’un moment, je me dis que ce que je fais paraît enfin authentique. Alors je l’enregistre sur mon téléphone et voilà, maintenant, c’est un produit. C’est un peu triste, mais j’ai quand même beaucoup de chance de faire ce métier. Mais c’est bizarre. Et je pense que c’est probablement la raison pour laquelle il est important de s’engager dans d’autres types d’art ou de musique, sans l’aspect commercial.