Incarnation de l’esprit de la côte californienne, sa musique reste d’une sonorité et d’un rayonnement aussi éclatants aujourd’hui qu’il y a plus de trente ans. Et les histoires qui se cachent derrière ses chansons sont aussi folles et légendaires que la femme. Retour en 10 morceaux sur la mythique Stevie Nicks.

« Rhiannon » sur Fleetwood Mac (1975)

La chanson grâce à laquelle Stevie Nicks a percé avec Fleetwood Mac – enregistrée pour l’album éponyme en 1975, année même où elle rejoint le groupe – aura également décidé de son association avec le monde du fantastique, poursuivie tout au long de sa carrière. Inspirée par Triad, roman de Mary Bartlet Leader parlant d’une femme nommée Rhiannon capable de prendre possession des autres, Nicks a écrit des paroles évoquant mysticisme et enchantement, qu’il soit maléfique ou romantique : « De toute ta vie tu n’as jamais vu / Une femme emportée par le vent / Resterais-tu si elle te promettait le paradis / Gagnerais-tu ? ».. La guitare sinueuse de Lindsey Buckingham renforce la sensation d’envoûtement. Nicks l’exploitera ultérieurement, après avoir appris l’existence de la déesse celtique de la lune appelée Rhiannon, et affirmera parfois que la chanson parlait « d’une vieille sorcière galloise ». Batteur et fondateur du groupe, Mick Fleetwood a déclaré que sa manière d’interpréter le morceau sur scène était « comme un exorcisme ». Nicks se replongera plus tard dans le mythe de Rhiannon avec « Angel ».

« Landslide » sur Fleetwood Mac (1975)

Cette chanson vint à Nicks à un moment clé de son parcours. Buckingham Nicks, groupe qu’elle formait avec son petit ami Buckingham, venait d’être lâché par Polydor après l’échec de son premier album. A son retour en Arizona, à 27 ans, ses parents la poussèrent à envisager d’abandonner la musique pour retourner à l’école. Essayant de trouver une solution, elle se réfugia chez un ami à Aspen, prit de l’acide (selon elle : la première et unique fois de sa vie), et passa Court and Spark de Joni Mitchell en boucle pendant trois jours. C’est ainsi que « Landslide », ballade à la guitare à la fois douce et lourde traitant de l’indécision – « Puis-je naviguer à travers les marées changeantes de l’océan ? / Puis-je gérer les saisons de ma vie ? » – s’imposa à elle. « A ce moment-là, mon existence ressemblait vraiment à un glissement de terrain à bien des égards », raconte-t-elle. Des années plus tard, le titre connaîtra une vie propre, avec des reprises originales par les Chicks et les Smashing Pumpkins.

Fleetwood Mac - Landslide (Official Music Video) [HD]

Fleetwood Mac

« The Chain » sur Rumours (1977)

Bien qu’il s’agisse du seul morceau de Rumours à créditer les cinq membres de Fleetwood Mac – Buckingham y recycle l’intro de « Lola (My Love) » de Buckingham Nicks –, ce sont les paroles de Nicks qui lui donnent son côté obsédant, glacial, tranchant. « Et si tu ne m’aimes pas maintenant / Tu ne m’aimeras plus jamais/ Je t’entends encore dire / Que tu ne briseras jamais le lien », dit l’exigeant refrain où la voix de Nicks chasse celle de Buckingham. Écrite et enregistrée durant leur séparation, en même temps que les membres du groupe Christine et John McVie divorçaient et que toute la bande était au bord d’une crise d’identité collective provoquée par la drogue, « The Chain » reste un classique de la rupture.

« Dreams » sur Rumours (1977)

Il s’agit étonnamment du seul single de Fleetwood Mac classé numéro 1 aux États-Unis – et Nicks affirme l’avoir écrit en 10 minutes, pendant les sessions d’enregistrement conflictuelles de Rumours au studio Record Plant de Sausalito, en Californie. Cachée dans la pièce personnelle de Sly Stone (une chambre victorienne équipée d’un lit au velours noir et d’un piano), elle en sorti avec ce qu’elle appelle un « rythme de danse » et une lourde métaphore sur le fait de traverser une tempête pour trouver sa liberté : « Lorsque la pluie te laveras, tu sauras ». Christine McVie aurait trouvé Dreams « vraiment ennuyeuse », et qu’il fallut convaincre le reste du groupe de l’accepter.

« Sara » sur Tusk (1979)

À entendre les hommes raconter l’histoire, Sara ne concerne qu’eux. Fleetwood a écrit dans ses mémoires que la ballade avait été inspirée par le fait qu’il s’était mis en ménage avec Sara Rector, amie proche de Nicks, mettant ainsi fin à son aventure avec elle. Don Henley, avec qui Nicks est sortie pendant un certain temps à la fin des années 70, a quant à lui affirmé que Sara était le nom de leur enfant à naître, mais dont elle avorta. Pour sa part, Nicks assure que ce titre au piano flottant contient des éléments des deux histoires enrobés dans des paroles plaintives. Mais, a-t-elle expliqué, il parle aussi de la folle tournure prise par sa vie après avoir rejoint Fleetwood Mac et brisé sa relation personnelle avec Buckingham – ainsi que de son envie de trouver un lieu paisible et sûr.

« Edge of Seventeen » sur Bella Donna (1981)

Ce riff de guitare crénelé. Cette première phrase qui met le feu aux poudres : « Comme la colombe aux ailes blanches ». Cette assemblée de « ooh ». Bien qu’il s’agisse du troisième single après ses débuts en solo en 1981, Edge of Seventeen est la chanson qui détermine la carrière de Nicks en dehors de son groupe. A l’en croire, l’image de la colombe était une métaphore du cycle de la naissance et de la mort. Elle lui aurait été inspirée par le décès de son oncle ainsi que par le choc provoqué par l’assassinat de John Lennon. Mais le titre, inoubliable et mystérieux, vient de Jane, première épouse de Tom Petty qui avait confié à Nicks avoir rencontré le rocker à « l’âge de dix-sept ans » [the age of seventeen]. La magie est née de la mauvaise compréhension de l’accent floridien de Jane. La ligne de guitare meurtrière de Waddy Wachtel – elle-même tirée de « Bring on the Night » de The Police – connaîtra plus tard une seconde vie en tant que sample pour « Bootylicious » de Destiny Child.

« Stop Draggin’ My Heart Around » sur Bella Donna (1981)

Fan inconditionnelle de Tom Petty et des Heartbreakers, Nicks dit un jour à son label qu’elle souhaitait faire partie du groupe. Elle s’est contentée de travailler (et de sortir) avec leur producteur, Jimmy Iovine. À l’origine, Petty et le guitariste Mike Campbell avaient écrit cette chanson pour les Heartbreakers, mais Iovine les a convaincus de transformer « Stop Draggin’ My Heart Around » en duo, et de faire appel à Nicks. Ce qui a donné naissance à une véritable amitié ainsi qu’à un riche partenariat musical entre elle et Petty. Le morceau terminé convoque tous les Heartbreakers – en ce compris l’orgue marécageux de Benmont Tench et la batterie sans ménagement de Stan Lynch –, mais c’est Nicks qui vole la vedette, en offrant les paroles bluesy parfaites et en animant le refrain avec des harmonies tourbillonnantes qui s’enroulent comme un serpent autour des lignes de Petty.

Stevie Nicks & Harry Styles - "Stop Draggin' My Heart Around" | 2019 Induction

Rock & Roll Hall of Fame

« Stand Back » sur The Wild Heart (1983)

Dans un véritable chaos à la Stevie Nicks, l’autrice-compositrice-interprète épousa le veuf de sa meilleure amie peu de temps après le décès de celle-ci des suites d’une leucémie, avec la ferme intention de prendre sa relève et de s’occuper du bébé du couple – une décision dont elle admettra plus tard qu’elle était « au-delà de la folie ». Au cours de sa lune de miel, Nicks entendit la chanson de Prince « Little Red Corvette » à la radio, alors qu’elle roulait vers Santa Barbara. Elle en fut à ce point éblouie qu’elle et son nouveau mari – dont elle divorcera quelques mois plus tard – s’arrêtèrent pour acheter un magnétophone afin qu’elle puisse enregistrer une démo de la chanson que « Corvette » lui inspira le soir même. De retour à Los Angeles, elle appela Prince et lui parla de sa nouvelle création. Il vint immédiatement au studio et – sans être crédité – posa un synthétiseur New Wave violet parfait pour le titre.

« The Dealer » sur 24 Karat Gold: Songs from the Vault (2014)

Originellement écrite (mais non utilisée) pendant les sessions de Tusk en 1979, cette mélodie soft-rock a croupi pendant des décennies avant que le manager de Nicks n’en entende un enregistrement pirate sur YouTube et la rappelle au bon souvenir de sa chanteuse. L’autrice-compositrice-interprète décida de la dépoussiérer lorsqu’elle enregistra à nouveau des démos s’étalant de 1969 à 1995. La version revivifiée de « The Dealer » montre comment le temps, ainsi que des années supplémentaires de consommation de cigarettes et autres substances peuvent changer une voix. Nicks ne possèdera plus jamais le velours entendu dans « Rhiannon », mais porte bien son expérience.

« Show them the way » (2020)

Nicks fit un rêve « cinématographique » pendant les primaires démocrates de l’élection présidentielle américaine de 2008 : elle s’y voyait chanter lors d’une soirée politique à laquelle participaient Martin Luther King Jr, John et Robert Kennedy, ainsi que le sénateur John Lewis. Une fois réveillée, elle écrivit un poème sur ce rêve, texte qu’elle envoya ensuite à Ted Kennedy. « Je ne sais pas si nous étions en 1960 ou en 1963 / Tout était intemporel, même moi », disent les paroles de la chanson tirée de ces vers. Sortie juste avant les élections de 2020, elle se veut un encouragement à l’espoir et à la positivité dans une période de grande division (« La paix peut venir s’y l’on s’en donne la peine »). Avec Dave Grohl à la batterie et Dave Stewart à la guitare, le morceau brille de mille feux.

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