Le nom du chef Rudolf Kempe (1910-1976) est indissociable de ceux du compositeur Richard Strauss et de l’orchestre de la Staatskapelle de Dresde. À l’occasion de la réédition par Warner des enregistrements réalisés entre 1970 et 1975, Qobuz met en lumière, entre autres, le legs straussien d’un chef à la direction précise, souvent incisive, toujours soucieuse du texte et sensible à ses voluptés.

Une anthologie de référence

Cette célèbre anthologie des œuvres pour orchestre de Richard Strauss, enregistrée sous la direction de Rudolf Kempe à Dresde en pleine guerre froide, a connu de très nombreuses publications. C’est d’abord sous la forme de vinyles 33 tours que ces enregistrements ont vu le jour, et en éditions séparées. La direction claire, précise, énergique et baignée de sensualité de Rudolf Kempe et les couleurs merveilleusement bigarrées qu’il sut tirer de l’orchestre ont fait date. Ils furent donc réédités dès l’avènement du disque compact.

En 1992, EMI proposait ainsi la série en trois volumes de trois disques sous le titre Kempe dirige Richard Strauss puis en 1999, en un seul coffret de neuf disques intitulé Œuvres pour orchestre de Richard Strauss. En 2006, Brillant Classics le republie à vil prix sous l’appellation Richard Strauss Orchestral Works avant de l’intégrer en 2012 à sa monumentale édition Strauss en 35 disques. Enfin, en 2019, cette collection paraît sous l’étiquette Warner avec la mention, inexacte mais alléchante, Complete Orchestral Works. Ce long parcours éditorial n’entame pas le bonheur de retrouver ces enregistrements soigneusement remastérisés.

Un orchestre sur mesure

Ce qui frappe d’emblée dans cette luxueuse réédition, c’est le son de la Staatskapelle de Dresde, si bien capté par les ingénieurs de l’époque sous la direction artistique de Claus Strüben, le fameux Tonmeister auquel on doit de remarquables enregistrements, notamment des symphonies de Schumann enregistrées à la même époque et avec le même orchestre sous la direction incandescente de Wolfgang Sawallisch.

Les musiciens dresdois de ces lointaines années 1970 ont la sonorité unique d’un orchestre façonné par et pour la musique allemande : cohérence, puissance et raffinement règnent sur tous les pupitres. La collaboration de la Staatskapelle et de Richard Strauss, aussi bien comme chef d’orchestre que comme compositeur, est dans toutes les mémoires. De nombreuses partitions, composées en particulier pour la scène, ont été créées par cet orchestre et l’ont modelé en retour.

Rudolf Kempe fut le directeur musical de la Staatskapelle de Dresde entre 1949 et 1953. La ville se relève alors péniblement des années tourmentées de la guerre et de son terrible bombardement par les Anglais en 1945 – une tempête de feu qui détruisit complètement la « perle baroque de l’Elbe » en faisant plus de 25 000 morts. Bien qu’officiant de longues années durant à Munich, Rudolf Kempe est revenu plus d’une fois dans sa ville natale y diriger le prestigieux orchestre. Son premier disque, enregistré à la Lukaskirche de Dresde en 1968, est consacré à l’Ariadne auf Naxos de Strauss. Éblouissant et vivement salué par la critique, il donne lieu à une série de 25 disques formant l’essentiel de la production orchestrale du compositeur allemand.