Symbole de la nouvelle génération de musiciens de Los Angeles, le label Brainfeeder fête ses 10 ans en 2018, avec une compile de 36 titres baptisée “Brainfeeder X”. Une décennie durant laquelle la bande de Californiens menée par Flying Lotus a effacé les frontières entre hip-hop, électro et jazz, façonnant une version moderne de la musique psychédélique. Retour sur l’histoire d’un label qui a déjà connu plusieurs vies.

Pas facile d’exister à Los Angeles pour un musicien. D’autant plus pour un producteur de hip-hop instrumental dans une ville où, de Snoop Dogg à Kendrick Lamar, les idoles ont toujours porté un micro à la main. Ce sont pourtant des hommes de l’ombre, beatmakers et session men, que Brainfeeder a mis en lumière, devenant le fer de lance de ce qu’on a sobrement nommé la Los Angeles beat scene, soit une poignée de producteurs qui écoutaient en boucle DJ Krush, J Dilla ou Massive Attack, et qui ont réimaginé l’abstract hip-hop en insistant sur le côté stoner. Celui qui tient le projecteur, c’est bien sûr son fondateur Flying Lotus, qui, après avoir vu sa renommée internationale grimper en flèche avec son album Los Angeles, sorti sur le prestigieux label britannique Warp en 2008, a décidé d’en faire profiter les copains.

Surnommé “le Jimi Hendrix de la musique électronique” à ses débuts par Mary Anne Hobbs, la grande prêtresse de la BBC, Flying Lotus a en fait suivi une démarche naturelle, lui qui a toujours pu compter sur le soutien des anciens, comme son mentor Carlos Niño d’Ammoncontact, qui avait publié le premier titre du jeune Steve Ellison Two Bottom Blues sur la compilation Carlos Niño Presents the Sound of L.A en 2006. Un disque sur lequel on retrouvait Ras G, Daedelus ou Georgia Anne Muldrow, tous futurs signataires de Brainfeeder, qui partage l’approche et l’esprit d’un autre label hip-hop historique de la région, Stones Throw.

Deux ans auparavant, Flying Lotus, alors en école de cinéma, était stagiaire dans les bureaux du label de Madlib et Dâm-Funk. Le boss Peanut Butter Wolf l’avait chargé de filmer les concerts des artistes maisons, comme celui de MF Doom en 2004, lors duquel il rencontra The Gaslamp Killer, qui deviendra une des figures de Brainfeeder, et produira avec FlyLo l’album ovni de Gonjasufi, A Sufi and a Killer, en 2010 chez Warp. “Je ne savais pas qu’il faisait des beats, raconte Gaslamp Killer. C’est Peanut Butter Wolf qui m’a fait écouter ses sons pour la première fois et j’ai trouvé ça incroyable. On était bookés ensemble deux mois plus tard et on est devenus amis. Il a vu que Samiyam, Ras G et moi n’arrivions pas à sortir notre musique, que personne ne voulait de nous. Et quand il a signé chez Warp, il a décidé de monter un label pour ses amis et il a sorti nos disques avec le peu d’argent qu’il avait. Il essaye de souder la communauté, il a ce talent pour réunir les gens. C'est lui qui a fait monter cette scène LA beat. Quand il fait quelque chose de bon, c’est toute la ville qui en profite.” “Sans Stones Throw, ça aurait été une autre histoire à L.A, confirme FlyLo. Leur maison a aidé à construire la mienne. Et je pense que j'aide aussi d'autres gens à obtenir des dates grâce à mon travail. Si tout le monde pouvait aider à faire avancer la musique, ce serait le bonheur.”

Chez Stones Throw, Flying Lotus observe le fonctionnement du label, tout en rêvant à du hip-hop sans MC. A l’époque, il est installé à Das Bauhaus, à Northridge, un complexe d’appartements loués à des artistes, étudiants, musiciens au Nord-Ouest de LA. Ses voisins ? Adam Stover, qui bosse dans le magasin de disques Tower Records et deviendra le label manager de Brainfeeder, Teebs et Samiyam, qui feront partie des premières signatures. En 2008, le label est officiellement lancé avec, au mois de mai, Rap Beats Vol.1 par Samiyam, et reçoit tout de suite un coup de main bienvenu de la part d’un autre ancien, Kevin Marques Moo, alias Daddy Kev, fondateur du label Alpha Pulp en 2004, éditeur des albums de Nosaj Thing, Daedelus, Free The Robots ou Nobody, qui leur propose de gérer la distribution digitale de leurs disques.

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