Sit Down for Dinner

Chronique

Neuf ans séparent ce nouvel album de Blonde Redhead du précédent. Et même si on a pu patienter avec la parution d'un coffret rétrospectif (Masculin Féminin en 2016), d'un EP l'année suivante et d'un album solo de la chanteuse Kazu Makino en 2019, l'attente et l'absence furent longues et inquiétantes. Et les retrouvailles n'en sont que meilleures. Apparus il y a près de trente ans dans le sillage de Sonic Youth, ces héros discrets de la scène indé vieillissent bien, c'est-à-dire très peu. Ils continuent à évoluer, sans singer les crises de nerfs de leurs jeunes années, ni s'assagir jusqu'à s'affadir.

Chez Blonde Redhead, parfait trio, tout est dans la finesse : des compositions, des voix, des arrangements, de la production. Ce dixième album n'est pas moins fin que les autres, mais plus doux et harmonieux. Il ressemble à n'importe quel album de Blonde Redhead, mais comme entendu de loin, dans un écho ou l'intimité nacrée d'un coquillage. La violence sonique n'est plus qu'un souvenir cotonneux. Elle a été remplacée par des lignes de tension qui se croisent et s'échappent, précises et imprévisibles. Nerveuses et légères, les chansons de Sit Down for Dinner semblent jouées par des papillons ou des libellules. Avec sa voix de papier déchiré, Kazu les emmène du côté de la comptine hallucinée, du rêve éveillé. Comme les silex qui deviennent galets sous l'effet du temps, la musique de Blonde Redhead s'est adoucie sans rien perdre de sa densité. Au menu de ce diner, de la grande cuisine d'auteur, qui ne provoquera jamais d'indigestion. © Stéphane Deschamps/Qobuz