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Et Nicolas Jaar donna enfin une vraie suite à Space Is Only Noise, son premier album solo paru en 2011 alors qu’il n’avait que 21 ans. Ce jeune et génial savant fou né à New York en 1990 et ayant grandi à Santiago au Chili jouait la carte de l’introspection sur des compositions véritablement déconcertantes, au sens premier du terme. En autopsiant un tel baptême du feu discographique, on se demandait pourtant si le collage tant sonore qu’idéologique n’était pas juste le coup de bluff d’un singe savant précoce citant Satie, Tzara ou Daney. Oui, c’était par la voix de feu le grand critique de cinéma Serge Daney (conversant avec Godard) que débutaient ce Space Is Only Noise… Même la phrase un brin prétentieuse glanée sur son site personnel pouvait aisément faire sourire : « Hanté par Mulatu Astatké et Erik Satie, il commence à faire de la musique électronique en 2004 ». Heureusement, Nicolas Jaar lâchait un vrai discours musical. Éclectique et toujours hypnotique. Certains brandissaient même les filiations cinq étoiles, comme Aphex Twin ou Ricardo Villalobos... Ses assemblages musicaux, plus vaste que ça, slalomaient entre minimal, electro organique, musique répétitive et cold wave. Parfois chantés ou adossés contre des collages de documents sonores, ils ne laissaient guère indifférents et plaquaient même carrément au sol. Cinq ans plus tard, ce Sirens confirme le talent de l’Américano-chilien qui arpente ici à nouveau la marge. Mais sa marge à lui, celle qui jalonnait déjà Space Is The Only Noise, le temps de six compositions cette fois s’étalant sur 45 minutes. Un trip, un vrai, empreint de sensations stellaires, pour ne pas dire en apesanteur faisant soudainement volte-face pour expédier l’auditeur dans un trou noir agité. En décortiquant Sirens, on ne comprend pas trop ce qu’il se passe réellement. Entre new age et sonorités futuristes, voix soul et instants rock’n’roll, percussions à l’uppercut et textes ouvertement engagés. Pas étonnant pour quelqu’un se disant aussi bien influencé par le krautrock d’un groupe comme Can, que par l’électro de Richie Hawtin ou le jazz de Keith Jarrett… On écoute donc Sirens en se disant que tout ça n’est ni purement electro, ni purement rock, ni purement world, ni purement rien du tout ! Il y a surtout une vraie poésie dans ses collages improbables. Une poésie où la langue est centrale. Pour le son et la forme mais surtout pour le fond. Sur Three Sides Of Nazareth on entend d’ailleurs un Nicolas Jaar enfant discuter avec son père, le photographe et artiste Alfredo Jaar (la pochette de l’album est une de ses photos de 1987). Plus loin passent des références au Chili de Pinochet. Ici Jaar parle. Là il chante avec des intonations de Dave Gahan ou d’un crooner soul, au choix… Cette œuvre protéiforme est captivante car même en perdant parfois le fil, en manquant telle ou telle référence artistique, politique ou historique, Jaar utilise toujours ses compositions comme des cannes blanches, des marquages au sol qu’on suit aveuglément. On sort alors chamboulé par ces Sirens. Sans comprendre ce qu’il s’est réellement passé. Si les sirènes sont censées être des femmes douées d'une séduction dangereuse, difficile en tout cas de résister aux siennes… © MZ/Qobuz
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Chronique
Et Nicolas Jaar donna enfin une vraie suite à Space Is Only Noise, son premier album solo paru en 2011 alors qu’il n’avait que 21 ans. Ce jeune et génial savant fou né à New York en 1990 et ayant grandi à Santiago au Chili jouait la carte de l’introspection sur des compositions véritablement déconcertantes, au sens premier du terme. En autopsiant un tel baptême du feu discographique, on se demandait pourtant si le collage tant sonore qu’idéologique n’était pas juste le coup de bluff d’un singe savant précoce citant Satie, Tzara ou Daney. Oui, c’était par la voix de feu le grand critique de cinéma Serge Daney (conversant avec Godard) que débutaient ce Space Is Only Noise… Même la phrase un brin prétentieuse glanée sur son site personnel pouvait aisément faire sourire : « Hanté par Mulatu Astatké et Erik Satie, il commence à faire de la musique électronique en 2004 ». Heureusement, Nicolas Jaar lâchait un vrai discours musical. Éclectique et toujours hypnotique. Certains brandissaient même les filiations cinq étoiles, comme Aphex Twin ou Ricardo Villalobos... Ses assemblages musicaux, plus vaste que ça, slalomaient entre minimal, electro organique, musique répétitive et cold wave. Parfois chantés ou adossés contre des collages de documents sonores, ils ne laissaient guère indifférents et plaquaient même carrément au sol. Cinq ans plus tard, ce Sirens confirme le talent de l’Américano-chilien qui arpente ici à nouveau la marge. Mais sa marge à lui, celle qui jalonnait déjà Space Is The Only Noise, le temps de six compositions cette fois s’étalant sur 45 minutes. Un trip, un vrai, empreint de sensations stellaires, pour ne pas dire en apesanteur faisant soudainement volte-face pour expédier l’auditeur dans un trou noir agité. En décortiquant Sirens, on ne comprend pas trop ce qu’il se passe réellement. Entre new age et sonorités futuristes, voix soul et instants rock’n’roll, percussions à l’uppercut et textes ouvertement engagés. Pas étonnant pour quelqu’un se disant aussi bien influencé par le krautrock d’un groupe comme Can, que par l’électro de Richie Hawtin ou le jazz de Keith Jarrett… On écoute donc Sirens en se disant que tout ça n’est ni purement electro, ni purement rock, ni purement world, ni purement rien du tout ! Il y a surtout une vraie poésie dans ses collages improbables. Une poésie où la langue est centrale. Pour le son et la forme mais surtout pour le fond. Sur Three Sides Of Nazareth on entend d’ailleurs un Nicolas Jaar enfant discuter avec son père, le photographe et artiste Alfredo Jaar (la pochette de l’album est une de ses photos de 1987). Plus loin passent des références au Chili de Pinochet. Ici Jaar parle. Là il chante avec des intonations de Dave Gahan ou d’un crooner soul, au choix… Cette œuvre protéiforme est captivante car même en perdant parfois le fil, en manquant telle ou telle référence artistique, politique ou historique, Jaar utilise toujours ses compositions comme des cannes blanches, des marquages au sol qu’on suit aveuglément. On sort alors chamboulé par ces Sirens. Sans comprendre ce qu’il s’est réellement passé. Si les sirènes sont censées être des femmes douées d'une séduction dangereuse, difficile en tout cas de résister aux siennes… © MZ/Qobuz
À propos
- 1 disque(s) - 9 piste(s)
- Durée totale : 00:59:22
- Artistes principaux : Nicolas Jaar
- Label : Other People
- Genre : Électronique
(C) 2017 Other People LLC (P) 2017 Other People LLC
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