Rêve parti

Chronique

Le télescopage entre un romantisme noir et la célébration de la musique est l’une des caractéristiques de l’univers de Lescop et c’est encore vrai dans ce troisième album (après Lescop en 2012 et Echo en 2016). C’est comme si l’un n’allait pas sans l’autre dans la voix blanche de ce fils spirituel d’Etienne Daho. Dans le morceau d’ouverture, Les Garçons, il donne sa vision de la masculinité (« Ils veulent ignorer les larmes qu’on voit dans leurs yeux ») dans un hommage appuyé à Cherchez le garçon de Taxi Girl. Dans Radio, il chante ce refrain qui parle de lui-même : « J’entends ta voix qui se perd dans un sanglot/Dans mes oreilles passe un tube à la radio ». Les mises en abyme mélancoliques de Lescop se poursuivent avec Rêve parti ou encore La Femme papillon et son parfum à la Fade to Grey de Visage.

Et pourtant, le présent album est nettement moins sombre que ses précédents opus. Le mode majeur – le mode joyeux par excellence – règne en maître et la synthpop de Lescop est irrémédiablement dansante, à la limite du guilleret dans certains morceaux. Dans Le Jeu, on voit poindre la lumière, et dans Elle, Lescop dresse le portrait d’une entité féminine libre et incassable, qui peut « retirer l’ombre de la nuit ». J’ai oublié ton image surprend par la légèreté de son rythme et l’album se conclut avec une Grenadine qui semble arroser de son sucre tout ce qui a précédé. Au rayon des collaborations, Lescop s’est entouré de trois femmes qui font augmenter l’intensité lumineuse de l’album : Laura Cahen dans Effrayé par la nuit, Izia dans La Plupart du temps et Halo Maud dans La Femme papillon. Signalons enfin la production de Thibault Frisoni (comparse de Bertrand Belin) et le travail remarquable d’Ash Workman (The English Riviera de Metronomy) au mixage. ©Nicolas Magenham/Qobuz