Paper Airplane

Chronique

Dès ses débuts et premières sessions discographiques, en 1987, la chanteuse Alison Krauss a su s’entourer de sérieux clients. Le groupe Union Station est en effet composé de virtuoses : le banjoïste Ron Block est un maître du blue-grass, et Jerry Douglas est usuellement reconnu comme le plus grand joueur de dobro actuel. C’est pourtant la collaboration entre Robert Plant et la chanteuse, compositrice, et violoniste, qui aura permis de pointer l’attention internationale sur l’Américaine, un comble lorsque l’on sait qu’elle est détentrice de 27 Grammy Awards, un record dans le genre.

On ne sera donc pas totalement époustouflé que ce quatorzième album (et sixième avec le groupe), enregistré à Nashville, et co-produit par le groupe et Mike Shipley (ingénieur du son, en grand écart, pour AC/DC ou The Corrs), offre une collection de onze délicieuses chansons pleines de grâce, ourlées de banjo en grappe, d’une contrebasse en vieille grand-mère attentive, et d’une voix fragile et angélique. Car la dame est douée, évidemment, ou travailleuse, ou les deux, pour réussir ce miracle d’équilibre entre la distinction et la fougue des sentiments, entre délicatesse et fermeté.

Si Alison Krauss a fait appel à l’usuelle cohorte de ses compositeurs favoris, de Viktor Krauss son propre frère à Robert Lee Castleman, signataire de la chanson-titre et premier single du programme, Paper Airplane offre également deux reprises racées. « My Opening Farewell » est dû à la plume de Jackson Browne, a bénéficié d’un duo du créateur avec Bonnie Raitt, et d’une version de Michael Johnson, et conte l’histoire mélancolique d’une femme qui attend à sa fenêtre, riche seulement d’un pâle sourire. Quant à « Dimming Of the Day », Richard Thompson, fondateur du groupe mythique Fairport Convention, l’a initialement composée pour sa femme Linda. Mais tous les rendez-vous, quels que soient leurs géniteurs, que nous offrent ces musiciens émérites baignent dans une semblable sérénité, chaque note utilisée au moment exactement propice.

Le cristal de la voix, la fougue du violon, un art du picking élevé à la hauteur d’un mode de vie, et les dévalements ininterrompus de la mandoline, servent d’écrins à des histoires d’amour restées en suspens, et configurent une belle collection de mélodies propres à enrichir le patrimoine, policé et virtuose, de la country contemporaine.



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