La Femme

Chronique

Entraînée par un incunable (« Déshabillez-moi »), et quelques chansons copieusement référencées (« Marions-les », « Un Petit poisson un petit oiseau », ou la plus déchirante des chansons légères), la sélection de ces trente et un titres (sic - au tarif actuel, cela représente environ trente centimes d’euro la chanson, ce qui ne fait pas cher du bonheur) permet de se frayer une voie inédite dans certaines oeuvrettes de la grande dame, voire de s’autoriser quelques découvertes gouleyantes.

Se succèdent ainsi une marche funèbre signée Henri Tachan (très injustement oublié, malgré ce bouleversant et terriblement perspicace « A la mort de Juju »), le sublime Bernard Dimey (et son non moins sublime « J’ai le cœur aussi grand »), le portrait d’une femme « Rêveuse et fragile » signé Robert Desnos, ou l’écriture acide de la romancière Françoise Dorin (« Dieu que ça lui ressemble »).

Si on ajoute quelques noms supplémentaires à la volée (Gérard Jouannest en compagnon de toujours et d’aujourd’hui pour « Dans ton lit de cristal », les amours anachroniques de « Et je cousais », imaginées par Marie Noëlle), c’est sous l’angle du clair-obscur qu’on aborde l’œuvre de l’interprète.

A travers les années, en studio ou en public, Juliette Gréco démontre une nouvelle fois sa capacité extrême à raconter des histoires en musique. De ces quelques chansons peu connues, elle fait des historiettes inventées et inédites, qu’on écoute à la veillée, le menton fiché dans la paume de la main, comme une découverte de plaisirs insoupçonnés. Mais cela constitue également une jouissance renouvelée de la retrouver dans l’exercice libidineux du « Déshabillez-moi » précité, aisément la chanson la plus érotique, dans ses sommets de non dits, et ses taquineries sensuelles, de la tradition française.

Si l’on se demande comment la Gréco a pu s’autoriser à chanter cela en 1967, il n’est que de jeter un œil sur la belle photo du recto du livret : plus jeune fille, et donc de plus en plus belle dans son épanouissement, la chanteuse nous fixe d’un regard assuré, et droit. Comment résister ?

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