Il vient de fêter ses soixante ans. William Richard Frisell, guitariste né à Baltimore qui a beaucoup appris de Jim Hall puis fricota assidûment avec la scène new-yorkaise, downtown 1980… Depuis quinze ans, il vit à l’écart de l’agitation, non loin de Seattle. Il creuse le sillon fertile de l’americana, la bande-son d’une Amérique (This Land pour paraphraser un de ces albums de chevet) par ses vertes racines : le bluegrass et la country, le blues rural et la folk pastorale… Toutes ces musiques rustiques qu’il décortique pour composer le menu de cette suite de dix-sept thèmes, arrangés en compagnie du trio de cordes (dont le fidèle violoncelle d’Hank Roberts) qu’il forma à l’origine pour une exposition du peintre Gerhard Richter. Cinq ans plus tard, le tableau mis en forme par le complice producteur Lee Townsend (et Greg Calbi au mastering !) est juste parfait : minimaliste et mélancolique, introspectif et ludique, imaginatif et onirique. Car s’il convoque à travers les désuètes mélodies les fantômes de cow-boys et de trappeurs, Bill Frisell n’oublie pas que les Etats-Unis ont aussi enfanté Charles Ives ou John Cage, autres références constantes. Et c’est bien le frottement (plus que la confrontation) de ces deux univers (comme les cordes caressées, pincées, grincées) qui fait surgir d’inouïs instants de grâce.