Le grand batteur de jazz, revenu sur le devant de la scène pour son association electro-free inédite avec Four Tet, s’est éteint à l'âge de 66 ans.

Steve Reid a définitivement rangé ses baguettes, le 13 avril, emporté par un cancer à l’âge de 66 ans. The rhythm is my life, disait-il. Difficile de contredire ce batteur percussionniste assez culte et peu connu du grand public… Cette vie, plurielle, est à l'image de l'électron libre du Bronx, né le 29 janvier 1944. Et l’on passe en revue les faits d'arme de Reid avec des yeux ébahis. Et pourtant, ce batteur libertaire ne joue pas des coudes dans le grand livre d'or de l'histoire du jazz…

Les puristes affectionnent peu les slalomeurs qui passent de la soul la plus populaire au jazz le plus punk. Notre homme n'a pas 18 ans lorsqu'il assure derrière ses fûts pour deux des plus grands chefs d'œuvre du label Motown, Heatwave et Dancing In The Street de Martha & The Vandellas. A la même époque, il joue régulièrement dans l'orchestre de l'Appolo Theatre dirigé par Quincy Jones. Comme pour le prestigieux chef d'orchestre et producteur, le jazz n'est pas étranger à ses oreilles.

Un jazz dans l'ADN duquel l'Afrique prend une place prépondérante. Et contrairement à la majorité de ses confrères, Steve Reid eut lui le privilège de traverser l'Atlantique pour se rendre sur le continent de ses ancêtres… Il débarque ainsi au Nigéria en 1966 et joue avec Fela. Puis durant trois ans c'est la Lybie, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Maroc, l'Egypte. Trois années à l'influence évidente. « L'Afrique est le berceau de la batterie », scande Reid. Une terre encore plus présente dans le cœur de la pensée du free jazz qui bouillonne durant les années 60.

Le retour à New York se place sous le signe de James Brown, pour lequel Reid enclumera brièvement. Toujours en 1969, son refus de se rendre au Vietnam l'expédie derrière les barreaux pour deux ans. A sa sortie de prison, notre objecteur de conscience doit manger, cachetonnant pour tout ce qui bouge: Dexter Gordon, Peggy Lee, Horace Silver, Freddie Hubbard, Dionne Warwick, etc. A la même époque, il pige même pour l'Arkestra de l'allumé Sun Ra et fondera le label Mustavic, sa « crémerie » free qu'il autofinancera. Les majors préfèrent alors la fusion et le jazz-rock aux épilepsies de Steve Reid et de ses amis terroristes du son…

Ces dernières années, alors que la plupart de ces activistes, les tempes grisonnantes, ont plus ou moins baissé les bras, Reid était toujours habité par ce souffle de révolte. Et ses oreilles n'ont cessé de rester grandes ouvertes. Pour lui, « le hip-hop est le bébé du jazz ». La boucle est bouclée lorsqu'on sait que son bébé à lui, un fils prénommé Jamal, est batteur pour le rappeur 50 Cent…

Cette ouverture d'esprit culmine avec sa collaboration récente avec le Londonien Kieran Hebden. De 36 ans son cadet, le cerveau de Four Tet, génial groupe cérébral d'electro/hip hop/free, est surtout connu des fans de musique électronique underground. Quelques albums et une poignée de concerts ont suffit à montrer la beauté de cette rencontre inédite. Et même si ce torrent d'impro à la façade radicale demandait une certaine exigence d'ouïe, l'écoute mutuelle des deux artistes était flagrante. Impressionnante même. Surtout, l'onanisme bruitiste n'était jamais au programme de la grande messe de ce tandem inédit.

Steve Reid et Kieran Hebden sont dans un bateau :

Le site officiel de Steve Reid