Si le SACD n'a pas connu l'essor espéré par ses géniteurs Sony et Philips, il semblerait bien que le codage utilisé par celui-ci, le DSD, soit en train de prendre sa revanche grâce à la dématérialisation, principalement au Japon, mais les maladies circulant vite de nos jours, le virus DSD commence à contaminer la population audiophile mondiale. Apparu très récemment, le lecteur réseau Lumïn a immédiatement fait le buzz avec un argument qui pèse son poids de décibels : il fait partie des rares lecteurs réseau audiophiles à savoir lire les fichiers audio en DSD !

Fondée en 2003 et basée à Hong Kong, la société Pixel Magic Systems Ltd, qui fabrique des équipements vidéo pour le grand public et les professionnels, décide en 2012 de pénétrer le marché audio de haut de gamme grâce à une entreprise filiale créée peu de temps auparavant, Lumïn Music, et présente un streamer (lecteur réseau en français) techniquement avancé connu sous le simple nom de Lumïn.

Cet appareil est un «pur streamer», qui, de plus, ne possède pas de liaison WiFi (trop sujette aux perturbations, même si le constructeur n?aborde pas le sujet) et se connecte par liaison filaire RJ45. Il ne peut donc se nourrir que de fichiers audio numérique qu?il ira chercher sur des serveurs situés sur un réseau Ethernet, que ceux-ci soient des ordinateurs ou des NAS (Network Attached Storage), Lumïn préconisant deux marques pour ces derniers, Synology ou Qnap.

Il sait décoder tous les fichiers audio numérique PCM, du 16 bits à 44,1 kHz au 32 bits à 384 kHz, et aussi les fichiers DSD à 2,8 MHz (format du SACD), possède un réglage de volume numérique et se pilote depuis une tablette iPad grâce à l'application Lumin téléchargeable sur l'App Store.

Le lecteur réseau Lumïn possède également une sortie numérique S/PDIF sur prise BNC transmettant les signaux jusqu?à 24 bits à 192 kHz, et c?est également le premier lecteur réseau audiophile équipé d?une sortie HDMI pouvant transmettre le flux DSD natif, la sortie BNC étant alors désactivée.

Présentation

L'esthétique est une affaire de goût, mais nous trouvons que le Lumïn, avec son boîtier tout en aluminium et sa façade en arc de cercle ne s'ornant que d'un affichage bleu bien lisible ne manque pas d'une certaine classe.

Son alimentation séparée reliée par un cordon spécifique pourra être installée dans un endroit où les regards ne pourront porter, ne brisant pas la pureté du design de ce superbe appareil.

Connectique

Pas de connecteurs en surnombre à l'arrière du Lumïn puisque celui-ci, par la volonté de ses créateurs, ne traite que des fichiers lus via un réseau Ethernet, et ceci en liaison filaire depuis son connecteur RJ45.

On peut remarquer à la gauche de celui-ci deux prises USB A servant aux mises à jour du firmware.

Une sortie HDMI permet de transmettre les fichiers audio numérique DSD sous forme native à un appareil sachant les décoder, comme certains amplificateurs Home cinéma, sachant que dans ce cas la sortie S/PDIF sur la prise BNC se trouvant à droite de la prise HDMI est alors désactivée. Si l'on souhaite que cette dernière puisse fonctionner conjointement avec la sortie HDMI, il faut convertir les fichiers DSD en fichiers PCM 24 bits à 176,4 kHz.

Viennent ensuite les sorties audio analogiques, en mode asymétrique sur des prises Cinch d'excellente qualité et en mode symétrique sur des prises XLR, elles aussi d'excellente qualité, et enfin, la prise multibroche sur laquelle sera raccordé le câble en provenance de l'alimentation.

Cette alimentation a été conçue sans compromis et pourrait sans problème convenir pour les besoins en énergie d'un petit amplificateur avec ses deux gros transformateurs toroïdaux de marque Plitron et ses condensateurs dont trois modèles de 2200 µF/35V, et, bien que nous n'ayons pas insisté pour la démonter, nous avons aperçu un régulateur ajustable de type LM350T, capable de délivrer 3 ampères, ainsi que deux autres que nous n'avons pu identifier.

Elle se relie au lecteur réseau par un câble multiconducteur de qualité muni de prises verrouillables par vissage.

Réalisation

Pour du solide, c'est du solide ! Toute la partie supérieure du boîtier du Lumïn est en effet usiné dans un bloc d'aluminium massif et seuls la face arrière et le fond sont démontables.

L'ensemble pèse donc son poids et ne risque pas de glisser sur le support sur lequel il sera posé ou de ressentir les moindres vibrations auxquelles seraient, selon certains dires, sensibles les électroniques. De ce côté là, rien à craindre donc.

On notera que la face supérieure du boîtier déborde largement la connectique et permettra une protection des divers câbles qui y seront raccordés.

Deux grands compartiments accueillent la quasi totalité de l'électronique, hormis l'affichage, relégué dans sa propre niche le long de la façade, et l'alimentation, bénéficiant de son propre boîtier séparé.

Dans le compartiment de droite on trouve les entrées numériques et la gestion de l'ensemble de l'électronique, et dans celui de droite, la partie analogique, la régulation de tensions, la conversion numérique analogique et la symétrisation des signaux.

Entrées et sorties numériques

Commençons par le connecteur RJ45, ce qui est quand même au c?ur du Lumïn puisque c'est par câble Ethernet que celui-ci aura accès au réseau.

Les signaux du réseau sont isolés de la carte par un transformateur Pulse H1102NL et sont ensuite pris en charge par une puce de réception Ethernet rapide Realtek RTL8201.

L'entrée HDMI est géré par un récepteur Silicon Image Sil9134 et la sortie des signaux audio numérique S/PDIF est assurée par un circuit intégré "transceiver" (émetteur-récepteur) Wofson WM8805 associé à un transformateur d'isolement et d'adaptation d'impédance.

On remarque la présence d'un circuit programmable Altera Cyclone IV EP4CE6F17C8N (un FPGA, ou Field Programmable Gate Array, en français "réseau de portes programmables in situ").

Son rôle est très probablement à rapprocher (dans le domaine Ethernet) de celui des processeurs XMOS, C-Media, ou encore Tenor, qui équipent les DAC et sont chargés d'extraire du bus USB les signaux nécessaires au fonctionnement de la puce de conversion numérique analogique et de les peaufiner tout en assurant un jitter extrêmement faible.

Sur la même carte se trouve le micro processeur de contrôle de l'électronique, muni d'un dissipateur de chaleur et entouré de mémoires, et en haut de la photo, on aperçoit plusieurs circuits de conversion "continu-continu" Richtek RTL8250 permettant de générer diverses tensions nécessaires au fonctionnement de cette carte, et probablement de différencier les alimentations de la partie réception de celles de la partie gestion et aussi affichage.

Conversion numérique analogique

Le lecteur réseau Lumïn utilise deux puces de conversion numérique analogique, une pour chaque canal. Il s'agit d'un modèle très perfectionné du fabricant Wolfson, le WM8741 qui est capable de traiter, outre les signaux PCM linéaires jusqu'à 24 à 192 kHz, de prendre en charge les fichiers numériques DSD (format utilisé sur les SACD), et ce aussi bien en leur faisant subir une phase de conversion en PCM qu'en les traitant en mode "direct".

D'autre part, le WM8741 sort les signaux en mode différentiel (signal croissant sur une sortie tandis qu'il décroit sur l'autre, et inversement) et ceux-ci subissent un simple filtrage par des cellules résistances et condensateurs (filtrage passif).

Quatre régulateurs de tensions ajustables (en haut sur la photo), trois positifs de type LM2941 et un négatif de type LM2991, se chargent de fournir les tensions de fonctionnements des étages analogiques et des puces de conversion numérique analogique (tensions symétriques pour les amplificateurs opérationnels de la partie symétrisation, et deux tensions, +3,3V et +5V pour les WM8741).

Remarques :

Signalons qu?une erreur technique s?est glissée dans la fiche produit de Synergie. Il est indiqué que Les étages de sortie font appel à des composants discrets reliés à deux transformateurs de sorties Lundhal LL7401, une typologie d?isolation déjà reprise par d?autres fabricants..

Non, voir paragraphe suivant "Symétrisation des signaux de sortie", les étages de sortie utilisent des amplificateurs opérationnels qui sont des «circuits intégrés», les composants «discrets» étant des transistors, des diodes, des résistances, condensateurs, etc, qui se présentent sous forme individuelle.

Une autre remarque, en forme de question à laquelle nous apporterons une réponse étayée, concernant la lecture des fichiers DSD qui, à vrai dire, nous taraude (ainsi que d?autres audiophiles) depuis un moment.

Ces fichiers DSD sont-ils traités dans le Lumïn en mode natif dans les puces WM8741, c?est-à-dire sans passer par une phase de conversion en PCM ?

Nous avons signalé dans l?introduction que ce streamer disposait d?un réglage de volume numérique, et, hormis celui intégré aux WM8741, nous n?avons rien remarqué d?autre sur les cartes du Lumïn qui puisse assurer cette fonction.

Or, si l?on regarde l?architecture du WM8741, celui-ci doit convertir les signaux DSD en PCM (probablement en 176,4 kHz sur 24 bits) pour que l?on puisse utiliser son atténuateur numérique (il est d'ailleurs impossible de faire autrement quel que soit la puce si elle accepte les signaux DSD).

Il se trouve que dans le Lumïn, si le réglage de volume est inférieur à 100, la conversion DSD vers PCM du WM8741 est activée, alors que lorsque le volume est à 100, le DSD est traité nativement par cette puce (merci aux interventions de nos lecteurs).

Symétrisation des signaux de sortie

Cette opération, qui consiste à générer des signaux variant en sens inverse, est réalisée avec des amplificateurs opérationnels Texas Instruments LM49860 à très faible bruit et capable de débiter dans une charge de 600 ?, c'est-à-dire grosso-modo celle des transformateurs Lundahl LL7401 utilisés dans le Lumïn, et ce avec une distorsion extrêmement faible. De plus, leur tension d'alimentation globale peut s'élever à 44 V, ce qui permet de transmettre des signaux d'amplitude très élevée, en tout cas, de loin supérieur à celle qu'est censé délivrer une source comme un lecteur réseau.

Utilisation et écoute

Un grand merci à François Gourdain de Synergie-esoteric, distributeur de Lumin, qui a mis à notre disposition un serveur NAS configuré et toute la documentation dont il disposait afin que nous n'ayons pas de difficultés de mise en ?uvre de ce superbe lecteur réseau Lumïn, ce qui fut le cas.

Un exemple à suivre et une marque de professionnalisme attentionné et consciencieux.

De plus, le serveur NAS, de marque Synology contenait de nombreux fichiers en DSD, dont des enregistrements récents tels qu'un certains nombre de Concertos pour pianos de Mozart par Christian Zacharias dirigeant depuis son piano l'Orchestre de Chambre de Lausanne et aussi des enregistrements (beaucoup) plus anciens dont nous n'hésiterons pas à dire (pour en avoir écouté divers extraits et sans chercher à jouer les pisse-froid) que la numérisation en DSD ne nous semble pas, la plupart du temps, apporter grand chose sur le plan technique à des enregistrements dépassant le plus souvent la quarantaine d'années, si ce n'est plus.

L'heureux possesseur de cette machine pourra également procéder à divers réglages, en particulier garder ou non à l'intérieur de celle-ci le format natif des fichiers qui sont streamés.

En ce qui concerne les résultats sonores, et si l'on passe directement à ce qui fait la spécificité du Lumïn, à savoir sa capacité à lire en réseau les fichiers au format SACD et à les convertir en analogique depuis leur format natif, là, on est tout simplement dans le domaine de l'exceptionnel si l'on prend soin d'écouter des enregistrements récents, comme l'excellent interprétation du Concerto N°21 de Mozart, dans l?enregistrement Zacharias cité précédemment, ou encore Les Sept dernières Paroles du Christ sur la Croix, dans la version de Bruno Weil dirigeant l'ensemble Cappella Coloniensis, là c'est un véritable régal sans pareil !

Dans l'andante du Concerto N°21 de Mozart, la finesse de la restitution des violons avec des aigus sans trace de dureté n'a d'égale que la douceur du piano et la musique s'écoule avec une fluidité et un naturel qui sont véritablement prenants.

In en va de même avec Haydn où les amoureux du grain des instruments à l'ancienne se délecteront à l'écoute de l'ensemble Cappella Coloniensis et pourront remarquer la qualité de restitution des récitatifs et ce sentiment d'authenticité prononcée résultant de la non utilisation d'amplificateurs opérationnels.

Dans un autre genre musical, même sentiment d'aisance et de fluidité à l'écoute de Billie jean, extrait de l'album Thriller de Michael Jackson, où le punch de ce tube n'est jamais ressenti comme agressif et serait à mettre en parallèle avec notre Édition Studio Masters 24 bits à 176,4 kHz.

Sans arriver à la fluidité et à une qualité d'aigu équivalent à celle des fichiers SACD, la reproduction des divers extraits de fichiers en 24 bits à 88,1 kHz et 96 kHz, est également d'un excellent niveau, et même d'un niveau très proche à l'écoute de L'allegro de La Suite Américaine de Dvorak par l'Orchestre du Festival de Budapest dirigé par Ivan Fischer en version Studio Masters 24 bits à 192 kHz.

Même notre album référence la Fantasia on British Sea Songs de Henry Wood, bénéficie d'une restitution de grande qualité et restitue très probablement un message sonore qui est beaucoup plus proche de que nous pensons être la réalité que certains appareils triturant les signaux numériques dans tous les sens en prétendant mieux se rapprocher ainsi de celle-ci.

Appareil de grande classe, unique en son genre puisque pouvant lire sur réseau Ethernet des fichiers numérique DSD en plus des fichiers PCM jusqu'à 32 bits à 384 kHz, ce lecteur réseau Lumïn vient prendre place (au sommet) auprès d'une autre référence pour ce type d'appareil, le Marantz NA-11S1. Comme ce dernier, la conception, la réalisation et les prestations sonores qu'il délivre sont du domaine de l'exception, et plus encore avec les fichiers en haute résolution et DSD. Un Qobuzissime incontestable.

Spécifications

Lumïn sur site Synergie (importateur)

Branchement du lecteur Lumïn

Contact

Capacités de lecture

Note :

Ne disposant pas d'amplificateur avec des entrées symétriques, nos tests ont en conséquence été réalisés uniquement en liaison asymétrique.

- Amplificateur Micromega AS-400

- Enceintes Triangle Antal Anniversary