Vendredi 18 avril, l'Orchestre Régional Avignon Provence et le Chœur Régional Provence Alpes Côte-d'Azur ont recréé à l'Opéra Grand Avignon Le Dilettante d'Avignon, l'opéra comique du compositeur français Jacques-Fromental Halévy, jamais rejoué depuis le XIXe siècle !

Vendredi 18 avril 2014, les personnages Maisonneuve, Élise, Marianne, Dubreuil, Valentin, les "Amateurs" et les "Dilettanti" ont ressuscité sur le scène de l'Opéra Grand Avignon. Ce sont cent cinquante années qui nous séparent de la dernière représentation de ce succès lyrique de Jacques-Fromental Halévy. Remplacé par une nouvelle génération d'opéras comiques, Le Dilettante d'Avignon a été oublié par la postérité. Ce sont les équipes du Palazetto Bru Zane — centre de musique romantique française établi à Venise — qui ont ramené cette œuvre à la lumière et c'est sans surprise que la recréation a été proposée à l'Orchestre Régional Avignon Provence.

À l'occasion de cet événement d'envergure, la direction musicale a été confiée à Michel Piquemal, directeur musical du Chœur Vittoria et du Chœur Régional de Provence :

Quels ont été les défis lancés par la recréation du Dilettante d'Avignon ?

Michel Piquemal : Le principal défi a été de retrouver l'œuvre dans son entièreté et d'y être le plus fidèle possible. Pour les chanteurs, il y a deux principaux défis. Le premier est vocal. L'œuvre est très lyrique, il y a beaucoup d'airs légers, des moments de vocalises, des cadences, c'est très semblable à la musique de Rossini : la virtuosité est de mise ! Le second est lié à la théâtralité de l'œuvre. Les interprètes doivent être aussi bons en chant qu'en comédie.

Quels seraient, selon vous, les points forts et les points faibles de l'œuvre ?

M. P. : Pour ce qui est des points forts, Halévy a très bien composé la musique du Dilettante d'Avignon. Elle est harmonique, bien orchestrée, même parfois trop bien, ce qui peut la rendre lourde par endroit : ses harmonies par deux la rendent dense. L'enjeu est donc pour moi de la rendre la plus légère possible.

Concernant les points faibles, la musique d'Halévy, à l'instar de celle de Gabriel Fauré, peut paraître un peu dépassée. La vision de la musique et du théâtre au XIXe siècle n'est plus la même qu'aujourd'hui, ce qui peut limiter le public. Mais il me semble important de faire redécouvrir les musiques oubliées. J'ai déjà travaillé à la redécouverte d'œuvres de Caillebotte et de Donizetti. Certaines s'avèrent très intéressantes, il ne faut donc pas hésiter à leur donner une nouvelle chance. On a connu ce phénomène de redécouverte avec la musique baroque dans les années 1980, alors pourquoi ne pas faire redécouvrir les œuvres oubliées du XIXe siècle aujourd'hui ?

DRLa création du Dilettante d'Avignon ranime-t-elle la Querelle des bouffons qui avait secoué les théâtres français près d'un siècle plus tôt ?

M. P. : C'est vrai que Halévy s'est retrouvé dans la même situation que Rameau lors de la création de son opéra Castor et Pollux. Aujourd'hui, on n'a pas les mêmes types de comptes à régler entre les différentes écoles musicales, mais les mentalités n'ont pas forcément évoluées. Dans les années 1830, on considérait qu'il n'y avait pas de chanteurs en France. Aujourd'hui encore, quand on parle des meilleures phalanges, elles sont étrangères, quand on parle de solistes, ils sont rarement français. Il n'y a pas de tête de ligne. Les Français ont tendance à croire depuis longtemps qu'à l'étranger, c'est mieux. Les orchestres français sont souvent dirigés par des étrangers et les chefs français font carrière ailleurs. Je m'interroge sur le rôle des médias dans ce paradoxe... Quelque chose ne va pas, mais je ne pourrais que le constater.

Cette année, l'Orchestre Régional Avignon Provence s'est associé au Palazzetto Bru Zane. Quel est l'intérêt d'un tel partenariat ?

M. P. : Le Dilettante d'Avignon est une coproduction entre l'Opéra Grand Avignon et le Palazzetto Bru Zane. Il se trouve que l'œuvre requiert un chœur important. Ainsi, Philippe Grison a fait appel au Chœur Régional Provence Alpes Côte-d'Azur que je dirige, et à moi pour la direction. Je suis ravi de travailler sur ce projet, car j'aime voir renaître les œuvres oubliées. Je tiens, par ailleurs, à saluer l'incroyable travail des musicologues et des musiciens de l'Orchestre Régional Avignon Provence qui ont dû reconstituer cet immense puzzle de partitions !

Enfin, je partage l'esprit des missions du Palazzetto, qui se consacre à faire redécouvrir les œuvres romantiques françaises. Aujourd'hui, les programmations mettent le public en danger, car elles le privent de curiosité. On entend toujours les symphonies de Mahler, de Brahms, de Beethoven. J'ai l'impression qu'on va toujours vers la facilité, mais qu'on n'essaie pas suffisamment de faire redécouvrir les morceaux oubliés. Je crois qu'il est important de conserver ce goût pour la découverte.

Ce concert a été dédié à la mémoire d’Eva Ganizate, jeune et talentueuse soprano qui a tragiquement perdu la vie le 4 janvier dernier. Étoile montante de la scène lyrique française, elle devait tenir le rôle d’Elise dans le Dilettante d’Avignon.

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