Cette semaine, par de concert en direct de Berlin puisque le Philharmonique fait une petite tournée à Vienne puis à Wroclaw. En fouillant les [archives de la Salle de concerts numérique->http://www.digitalconcerthall.com/en/concerts/?a=qobuz&c=true], l'on découvre quelques raretés : Rinaldo de Brahms, Schubert orchestré par Berlioz et Reger, le tout sous la baguette d'Abbado.

Le 16 mai 2010, lors de son concert annuel avec le Philharmonique de Berlin, Claudio Abbado avait - comme c'est souvent le cas - choisi un programme éclectique incluant des œuvres un peu plus rares du répertoire. Rares, elles le furent, c'est le moins que l'on puisse dire : trois Lieder de Schubert orchestrés par Reger et par Berlioz (pour le Roi des aulnes ; oui, oui, c'est bien l'orchestration de Berlioz et point celle de Reger, ainsi que c'est indiqué par erreur sur le site berlinois), puis, surtout, la cantate Rinaldo de Brahms que presque personne ne joue jamais. Et pourquoi, demanderez-vous, ne la joue-t-on jamais ? La réponse est simple même si elle manque de poésie : c'est que l'ouvrage est un chouïa... disons... moyen. Sur les cinq mouvements que compte Rinaldo, quatre datent de 1863, donc avant le Requiem allemand. On y sent encore l'empreinte envahissante de Schumann qui, bien que mort et enterré depuis sept ans, encombre encore le jeune Brahms, bien au-delà de ce que l'on pourrait attendre d'un musicien qui a déjà à son actif des Lieder comme Von ewiger Liebe et, surtout, son Premier concerto pour piano. Le début de la cantate Rinaldo évoque même (est-ce délibéré ?) le premier mouvement de la Neuvième de Beethoven. Les impériales ombres des grands prédécesseurs... Peut-être, aussi, Brahms ne se sentait-il pas trop à l'aise avec le sujet, tiré de la Jérusalem délivrée de Torquato Tasso, et dont les contours ne s'accommodaient peut-être pas de l'âme du jeune Brahms, plus tourmenté par l'amour contrarié qu'il portait à la veuve Schumann, que par les amours lascives et les caresses 100% Renaissance qu'Armide prodiguait au chevalier chrétien Rinaldo. Allez savoir.

Mais alors pourquoi Abbado a-t-il choisi de donner cette rareté ? Là encore, la réponse est simple. Une œuvre "moyenne" de Brahms sera toujours mille fois supérieure à la meilleure œuvre d'un compositeur médiocre. Et n'oublions pas que le dernier mouvement, de 1869, a été écrit après le Requiem allemand, et à quelques mois de la Rhapsodie pour contralto, chœur d'hommes et orchestre, l'un de ses plus éblouissants ouvrages pour la voix - les parallèles ne s'arrêtent pas là, puisque Rinaldo fait également appel au seul chœur d'hommes, en plus de l'orchestre et du ténor. Par ailleurs, joué par un tel orchestre, chanté par Jonas Kaufmann et dirigé avec la délicatesse, l'élégance et la suprême modestie qui caractérise Abbado, cela devient réellement un morceau de roi.

En plus des trois Lieder de Schubert et de Rinaldo, Abbado nous donnait également, dans une lecture impériale, un large extrait des Gurrelieder de Schönberg, l'une des deux œuvres de ce compositeur qu'adorent ceux qui, par ailleurs, détestent Schönberg (l'autre étant naturellement la Nuit transfigurée).

Voilà donc un bien beau concert d'archives, que nous conseillons vivement aux z'abonnés - ainsi qu'à ceux qui hésitent encore, le diable sait pourquoi - de découvrir sans tarder.

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