Chaque année, un village du Gers devient la capitale mondiale du jazz : Marciac ! Et pour son édition 2016, les organisateurs de Jazz in Marciac n’ont pas lésiné sur la classe, l’éclectisme et la force du casting programmé. Du 29 juillet au 15 août, les légendes et les jeunes pousses croiseront le fer. Jazz vocal, hard bop, funk, free, cool, latino, rien ne manquera à l’appel de ce 39e épisode.
Le chapiteau de 6000 places vivra sans doute l’un de ses plus grands temps forts avec la prestation d’Ahmad Jamal qui donnera à Marciac son unique concert de l’année 2016 ! A 85 ans passés, le pianiste de Pittsburgh n’a rien perdu de son style si singulier qui influença et influence encore des hordes de pianistes. Lui qui révolutionna le trio piano/basse/batterie aborde toujours avec la même passion ses prestations live…
La scène, lui aussi il connait. Kamasi Washington a beau avoir un demi-siècle de moins que Jamal, c’est là qu’il a fait ses armes et surtout a fait grandir son nom. Un nom qui fut LA révélation de 2015. Avec son impressionnant triple album The Epic, le saxophoniste californien a fait plus qu’impressionner la galerie et la jazzosphère. Publié sur Brainfeeder Records, l’excellent label de Flying Lotus plus habitué à l’abstract hip hop et à l’électro décalée qu’au jazz, ce disque de Kamasi Washington de près de trois heures est une gargantuesque orgie de jazz orchestral venu d’une autre planète, une immense suite expérimentale traverse évidemment des contrées lorgnant aussi bien vers l’héritage de John Coltrane que celui de Pharoah Sanders, Albert Ayler, du Pan-Afrikan Peoples Arkestra d’Horace Tapscott ou de Weather Report.
Rayon showman, Avishai Cohen est un spécimen cinq étoiles. Le contrebassiste israélien est toujours à son aise dès qu’il s’agit de lancer sur scène le lyrisme effréné de sa musique. Un enthousiasme jamais gratuit qu’il sait lover dans les méandres de ses compositions à tiroir qui lorgnent parfois par-delà les frontières du jazz… Aller ailleurs, les jeunes Britanniques de GoGo Pinguin ne se gênent pas de le faire. Chris Illingworth, le pianiste du trio, dit avoir choisi comme titre de leur dernier album Man Made Object en partie pour sa fascination pour la robotique et les concepts de transhumanisme et d’amélioration humaine. Humaine, la musique du trio de Manchester l’est énormément. Même si son ADN est jazz, elle est aussi en contact avec la pop, la musique classique voire l’électro… Côté groupe, vrai groupe même, Snarky Puppy sera l’un des grands rendez-vous de Jazz in Marciac 2016. Voilà plus d’une décennie que le gang de Brooklyn agite la jazzosphère (mais est-ce du jazz ?) réussissant même à décrocher un Grammy Award en 2014 pour l’album Sylva ! Une formation joliment azimutée qui se nourrit de tout un tas d’influences plus bigarrées les unes que les autres et dont les concerts sont toujours des tsunamis festifs.
Comme chaque année, Jazz in Marciac a aussi de la voix ! Beaucoup de voix même au regard du casting réuni. Et des plus éclectiques ! Qu’elle revisite un standard de jazz ou un classique de la bossa brésilienne, la grande Diana Krall fait siennes toutes les mélodies que son organe sensuel effleure. Un don loin d’être unique, la Canadienne étant aussi une excellente pianiste, racée et raffinée, bien moins lice que certains voudraient le laisser croire… Avec Dianne Reeves, c’est une autre voix majeure qui sera également présente à Marciac cette année. Scat endiablé, incantation venue du continent africain, blues feutré ou mélodie pop à peine sucrée, la chanteuse de Detroit sait elle aussi tout chanter. Toujours inspirée, toujours raffinée, elle traverse les décennies avec le charisme et la classe des grandes chanteuses jazz, une digne héritière d’Ella Fitzgerald ou Sarah Vaughan en quelque sorte. Krall et Reeves ne doivent pas éclipser Lisa Simone. Comme son illustre mère, la fille de Nina Simone ne se cantonne pas à un genre unique, préférant brasser plusieurs eaux sacrées de la Great Black Music, slalomant entre jazz, soul, funk et gospel. Autre chanteuse à ne pas rater cette année : Cyrille Aimée. Qu’elle s’empare d’un standard ou d’une composition originale, qu’elle chante en anglais (majoritairement), en français ou même en espagnol, la jeune et brillante Franco-dominicaine montre qu’on peut toucher au sublime sans copier ou parodier le chant jazz de ses diverses illustres ainées… Chez les chanteurs, Marciac sera britannique avec les venues du génial zébulon Jamie Cullum mais aussi d’Hugh Coltman, embarqué depuis plusieurs mois dans un fascinant projet ressuscitant la musique de Nat King Cole.
Cette dense et copieuse édition 2016 proposera également des concerts du quintet du contrebassiste Kyle Eastwood avec Stefano Di Battista, du trio du guitariste John Scofield avec une rythmique de choc : Steve Swallow et Bill Stewart. Un autre géant de la guitare jazz sera également présent : John McLaughlin. Géant lui aussi, mais du saxophone : Charles Lloyd se produira avec Jason Moran. Quant à Lucky Peterson, il reviendra à l’orgue Hammond le temps d’un hommage à Jimmy Smith pour lequel il conviera le saxophoniste Archie Shepp. De l’orgue encore avec le concert du James Carter Organ Trio où Gerard Gibbs pilotera son Hammond B3.
Quand le vent des trompettes soufflera cette année à Marciac, le fantôme de Chet Baker tendra sans doute l’oreille. Notamment avec Love For Chet pour lequel Stéphane Belmondo rendra hommage à son idole. Eux aussi, chacun dans leur genre, feront dans le piston 5 étoiles : Ibrahim Maalouf, Christian Scott, Dave Douglas et Nicolas Folmer… Un festival de jazz sans effluves latinos n’est pas un vrai festival de jazz. Là aussi, Jazz in Marciac déroule un impressionnant tapis d’épées parmi lesquelles David Sanchez, Michel Camilo, Roberto Fonseca ou bien encore le Volcán Trio de Gonzalo Rubalcaba, Jose Armando Gola et Horacio “El Negro” Hernandez. Côté funk, ce sont deux prestigieux anciens complices de James Brown qui mettront le feu à Marciac : Fred Wesley et Maceo Parker !
Non, ça n’est pas tout ! Jazz in Marciac 2016 c’est également la rencontre singulière et alléchante entre le pianiste Yaron Herman et le chanteur M, ou bien encore Panam Panic avec la rappeur Beat Assaillant, le quartet d’Ellis Marsalis, le quartet Yes Ornette qui réunira Dave Liebman, Emile Parisien, Jean-Paul Celea et Wolfgang Reisinger pour un hommage - comme son nom l'indique - à Ornette Coleman, l’indéboulonnable Moutin Factory des frères Moutin épaulés par Manu Codjia, Jean-Michel Pilc et Christophe Monniot, le duo Baptiste Trotignon et Minino Garay, le Stevie Wonder brésilien Ed Motta, les trios de Bojan Z et de Rémi Panossian et bien entendu celui qui est un peu l’ambassadeur de Jazz in Marciac depuis des années : Wynton Marsalis !
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