Le fondateur et directeur musical de l'ensemble Les Éléments présente le concert qu'il donnera le 25 novembre à l’Oratoire du Louvre avec au programme Music for Queen Mary de Purcell. Rencontre.

Mercredi 25 novembre à l’Oratoire du Louvre à Paris, à 20h30, Joël Suhubiette à la tête de son ensemble Les Éléments dirigera Music for Queen Mary de Purcell. A ses côtés, la soprano Maria Cristina Kiehr et le Concerto Soave de Jean-Marc Aymes.

Le chef de cœur des Éléments et de l’Ensemble jacques Moderne qui jongle avec maestria entre les répertoires et les siècles présente ce concert-événement et revient sur la relation privilégiée qu'il entretient avec la musique de Purcell.

Comment abordez-vous ce concert du 25 novembre à l’Oratoire du Louvre avec Maria Cristina Kiehr et le Concerto Soave?

Joël Suhubiette : Avec Concerto Soave, ce n’est pas notre première collaboration, nous nous connaissons bien. Jean-Marc Aymes et moi avons étudié ensemble au Conservatoire de Toulouse et nous avons beaucoup de plaisir à nous retrouver autour de programmes baroques, et pas seulement... Nous avons même créé ensemble une œuvre contemporaine de Moultaka, Hacho, la Passion selon Marie. Maria Cristina Khier y était bouleversante dans le rôle de Marie. C’est une très belle artiste et avec Purcell, elle est bien évidemment dans une musique qu’elle connaît parfaitement… Nous sommes heureux de nous produire à l’Oratoire du Louvre avec ce programme. C’est un endroit, à Paris, où j’aime donner des concerts. Il est à taille humaine car le contact entre le public et les artistes y est chaleureux, l’acoustique est belle et propice à la musique vocale.

Parlez-nous des spécificités de cette «Music for Queen Mary» de Purcell?

La reine Mary était particulièrement attachée aux arts, et à la musique en particulier. Pendant son court règne, puisqu’elle meurt comme Purcell à l’âge de 35 ans, celui-ci compose quelques-uns de ses plus grands chefs-d’œuvre, Fairy Queen, Didon et Enée, King Arthur... Mais avec Jean-Marc Aymes, nous avons plutôt choisi les œuvres qui accompagnent plus directement et intimement le règne de Mary II. Nous commençons avec la musique écrite pour son couronnement, puis une des six odes composée pour son anniversaire, des anthems à voix seule ou pour chœur qu’elle peut entendre lors des services de cérémonie de la chapelle royale, des pièces instrumentales chambristes et nous terminons avec la célèbre Funeral Music for Queen Mary. Avec Purcell, on voyage constamment du solennel à l’intime, de la plus grande joie à la profonde désolation. J’espère que ce programme l’illustre bien.

Plus généralement, pour vous qui avez toujours jonglé avec les répertoires et les siècles, passant de Zad Moultaka à Scarlatti et de Buxtehude à Kurt Weil en passant par Poulenc, quelle place joue Purcell dans votre travail, une musique que d’ailleurs vous dirigez depuis pas mal d’années notamment ses opéras «Didon et Enée» et «King Arthur»?

Il y a vingt ans, lorsque je chantais au Collegium Vocale, nous chantions et enregistrions Purcell avec Philippe Herreweghe. Depuis, je crois qu’il ne s’est pas passé trois années sans que je revienne vers sa musique. Didon et Enée et King Arthur bien sûr, mais également les odes écrites pour la Sainte Cécile et un grand nombre d’anthems, soit avec orchestre, soit avec basse continue. Je suis toujours surpris de voir comment Purcell navigue avec autant d’aisance du répertoire sacré à l’opéra. S’il avait vécu aussi longtemps que Bach, on n’ose imaginer comment sa musique aurait pu évoluer et comment l’histoire de la musique anglaise en aurait été bouleversée, particulièrement celle de l’opéra.

Par rapport à cet éclectisme justement, comment choisissez-vous les œuvres que vous dirigez? Comment les partitions arrivent sur votre pupitre?

J’ai du mal à me retrouver dans ce terme d’ « éclectisme ». Depuis plusieurs siècles, les musiciens jouent les œuvres de leur contemporain et se nourrissent également des chefs d’œuvres du passé ; je n’ai pas l’impression de faire autre chose. Bien sur, chaque époque et musique suppose l’étude des styles, des questionnements musicologiques, des choix d’interprétation, mais c’est cela qui est passionnant. A la tête d’un ensemble vocal, comment passer à côté de la polyphonie de la renaissance, des chefs d’œuvres du baroque, des œuvres romantiques a cappella ? Ceci dit, il y a des musiques dans lesquelles je ne m’aventure pas n’ayant pas les connaissances ou la sensibilité requise, comme la musique médiévale par exemple… Je passe beaucoup de temps à lire de la musique à imaginer des futurs programmes et rêve de pouvoir diriger une fois dans ma vie certaines œuvres. J’ai pas mal de partitions en attente sur mon piano et beaucoup mises de côté, attendant un futur programme dans lequel elles pourraient s’insérer. J’aime construire un programme autour d’un seul compositeur et m’immerger dans sa musique comme c’est le cas ici avec Purcell, mais pour le répertoire a cappella, il m’arrive de plus en plus souvent de mélanger les époques, de la renaissance à aujourd’hui, autour d’un thème, d’un concept. C’est presque un travail de « mise en scène » et j’adore cet exercice qui consiste à mettre les œuvres en lumière, les unes par rapport aux autres, alors qu’elles n’étaient pas destinées à se côtoyer au départ. Autrement, certains compositeurs m’envoient leur musique et il m’arrive parfois de demander conseil à un musicologue comme je viens de le faire par exemple, auprès du Centre d’Etudes Supérieures de La Renaissance de Tours, pour un prochain programme.

Quels sont les projets de votre ensemble Les Éléments dans les mois à venir?

Dès décembre, avec les éléments, nous retrouvons Jean-Sébastien Bach et l’ensemble Cafe Zimmermann. J’ai déjà dirigé les deux formations réunies pour la Messe en Si et l’Oratorio de Noël et cette fois-ci ce sera pour la Cantate pour l’Avent BWV62 et la superbe Messe luthérienne en sol majeur. Ensuite, dès janvier nous créerons un nouveau programme de musique allemande a capella et avec piano, Abendlied-Morgenlied composé d’œuvres de Schumann, Brahms, Wolf, Reger, Hindemith, Stockhausen et d’une création mondiale, hommage de Thierry Pécou à la musique allemande… Début février, avec mon autre formation, l’Ensemble jacques Moderne, un nouveau programme de polyphonies a capella Au long de la Loire, portrait musical du fleuve et de son histoire à la renaissance. En février et mars, les Éléments reprendront ensuite le programme Iberia en France et en Espagne, avant de revenir à Paris le 29 mars, à la Philharmonie, pour un Requiem de Brahms dirigé par Emmanuel Krivine aux côtés de la Chambre Philharmonique.

Le site de Joël Suhubiette

Le site de l'Oratoire du Louvre

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