Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, directeurs artistiques de l’Opéra français de New York, signent une mise en scène médiévale et graphique du Faust de Gounod.

Après avoir été longtemps transposé aux XIXe et XXe siècles, l'inusable Faust de Charles Gounod revient dans un opéra médiéval stylisé par les jeunes metteurs en scène Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, du 16 au 28 mars à Bordeaux.

Depuis la commande du directeur de l'Opéra de Bordeaux, Thierry Fouquet, voici quatre ans, les deux metteurs en scène, actuels directeurs artistiques de l'Opéra français de New York, ont « potassé » l'histoire des sociétés médiévales, avec le désir d'inscrire sans clichés le mythique trio de Faust, Méphisto et Marguerite dans le contexte religieux et sociologique de l'époque. « L'enjeu dramaturgique d'un Faust médiéval n'était pas facile parce qu'en voulant représenter le Moyen-Age, on peut très vite tomber dans un costume historisant, un décor en carton-pâte et on ne voulait pas que le public dise : on est au musée », ont-ils expliqué à l'AFP.

Le tandem a alors travaillé sur le XVe siècle germanique, s'inspirant pour les costumes et les décors des peintres de l'Europe du nord de l'époque (Hans Holbein, Lucas Cranach...), pour une mise en scène qu'ils ont voulue très « graphique, avec une grande pureté dans les lignes pour les costumes ». Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, qui se définissent comme « de purs produits du renouveau de la mise en scène dans les années 90 », n'ont pas voulu chercher de correspondance entre Faust et le XIXe siècle. « La question du spirituel et de la quête amoureuse, parfois naïve, la recherche de la jeunesse éternelle sont vraiment d'actualité. Il ne nous semblait pas nécessaire de moderniser ces thèmes pour qu'ils parlent au public », ont-ils estimé. Ce qui ne fut pas toujours le cas : au cours des années 70 et 80, ces thématiques ne fonctionnaient plus dans l'Europe de la libération sexuelle et de l'émancipation féminine, d'où le goût de certains metteurs en scène à vouloir « psychologiser » les personnages. « Dans notre mise en scène, on veut faire comprendre que la vie des personnages est encadrée par le religieux... On vit une partie de l'année aux Etats-Unis, et là bas, c'est une société très religieuse, on a peut-être aussi été influencé par ça », ont-ils confié.

Le Dr Faust, savant catholique dans sa bulle, apparaît au premier acte dans un cimetière et non dans son cabinet, car au Moyen Âge le monde des vivants n'est pas séparé de celui des morts. Fidèle aux représentations du diable à l'époque, Méphisto apparaît quant à lui sous les traits d'un homme sauvage et velu, mais aussi d'un bouffon, « qui peut être un bon copain et qui devient mauvais la minute d'après. Méphisto est l'image même du leader charismatique. Il a une influence physique sur les gens, c'est un manipulateur de masse comme les grands dictateurs », ont-ils souligné, tous deux diplômés en sciences politiques et histoire de l'art. Avec le personnage de Marguerite, « on a travaillé sur la blondeur, une ligne du vêtement qui ne la positionne pas dans une classe sociale, ni Cendrillon ni Cosette ». Pour eux, Faust, « c'est du grand spectacle, mais le costume historique ne doit pas empêcher l'engagement physique très fort des chanteurs ».

Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil sont diplômés en Sciences Politiques et Histoire de l’art. Directeurs Artistiques de l’Opéra français de New York, ils collaborent avec le Directeur musical Yves Abel dans cette compagnie américaine se consacrant exclusivement aux opéras du répertoire français.

Ils y ont mis en scène Castor et Pollux de Rameau, To Be Sung de Pascal Dusapin et Les Pèlerins de La Mecque (le dernier opéra-comique de Gluck). Ils y ont aussi mis en scène la version originale pour piano de Pelléas et Mélisande de Debussy, ainsi que des créations multimédia combinant opéra, film muet et chorégraphie, telles que Yvonne Printemps : A French Diva Unveiled (repris en mars 2009 au Liceu de Barcelone), Desperately seeking Thaïs, Desperately Seeking Carmen.

Ils ont mis en scène Roméo et Juliette de Gounod pour le Festival de Spoleto (Etats-Unis) et l’Opéra de Pittsburgh, Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach à l’Opéra de Nantes, Manon Lescaut d’Auber au Festival de Wexford en Irlande, et ont réalisé une mise en espace et installation vidéo pour le concert d’ouverture de la saison 2005/06 de l’Orchestre National de Lyon.

Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil assurent le cours « French opera, a political art form » à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Ils y interviennent également dans le cadre du Master de Sciences Po, mention « Management de la culture et des médias ». Leurs prochains engagements incluent Marie Galante de Kurt Weill (OFNY, novembre 2008), ainsi qu’une installation vidéo autour de la Symphonie Fantastique et Lélio de Berlioz avec Philippe Herreweghe et l’Orchestre des Champs-Élysées.

Le site officiel de l'Opéra National de Bordeaux