A Paris à l’occasion d’un concert de son West-Eastern Divan Orchestra, le grand chef d’orchestre a plaidé en faveur de la création d’une chaîne culturelle israélo-palestinienne sur le modèle d’Arte.

Lundi 25 août, Daniel Barenboim a achevé à Paris la tournée 2008 de son West-Eastern Divan Orchestra sur un triomphe, tout en demandant au public son soutien pour faire vivre sa brillante aventure musicale et humaine jusqu'au Moyen-Orient.

Selon l’AFP, à l'issue du concert, le maestro âgé de 65 ans s'est adressé en français aux 1900 spectateurs de Pleyel, qui l'ont acclamé pendant un bon quart d'heure, lui et sa centaine de jeunes instrumentistes israéliens, arabes mais aussi andalous, le West-Eastern Divan Orchestra répétant à Séville depuis 2002.

« Chacun des musiciens a fait preuve d'un courage énorme en venant jouer dans cet orchestre », a déclaré Barenboim après avoir chaleureusement félicité, un par un, ses musiciens. « Ce n'est pas un projet politique, mais une troisième voie. Nous ne pensons qu'une chose, c'est qu'il n'y a pas de solution militaire au conflit » israélo-palestinien, a rappelé le chef d'orchestre, en disant son souhait d'« apprendre à vivre ensemble: c'est ce que nous faisons ».

Daniel Barenboim n'a pas caché son regret de n'avoir pas pu diriger cette formation symphonique à Amman le 11 août dernier (seule date en terre arabe cette année), à la suite de l'attaque ayant visé des touristes en Jordanie en juillet. « Ce projet doit pouvoir se poursuivre dans tous les pays qui sont représentés dans l'orchestre. Je voudrais aller jouer à Damas, Beyrouth, Ramallah, Le Caire et même à Téhéran. Aidez-nous ! », a-t-il lancé aux mélomanes et officiels, parmi lesquels figuraient la ministre de la Culture, Christine Albanel, et les conseillers de l'Elysée Catherine Pégard et Raymond Soubie.

Barenboim et l'universitaire palestinien Edward Saïd (décédé en 2003) ont lancé le West-Eastern Divan Orchestra, qui tire son nom d'un recueil de poèmes de Goethe, en 1999. L'orchestre, formé de jeunes ou futurs professionnels âgés de 13 à 26 ans, a fêté cet été sa dixième session annuelle au cours d'une tournée d'une douzaine de concerts qui a débuté en Espagne le 5 août et a conduit les musiciens en Grande-Bretagne, Italie et Scandinavie.

Au delà de la dimension humaniste de l'aventure, Barenboim vise l'excellence musicale, avec des choix de programmation sans tabous. C'est ainsi qu'il a programmé à Paris les Variations op. 31 de Schoenberg, compositeur juif, puis le premier acte de La Walkyrie de Wagner, antisémite notoire dont il défend l'œuvre avec passion. Une passion qui va jusqu'à braver les censeurs en Israël et défier l'histoire: il a dirigé cette musique, samedi dernier, à la Waldbühne de Berlin, scène édifiée par les nazis.

Signe que le West-Eastern Divan Orchestra n'est pas un orchestre de seconde zone, il accompagne dans La Walkyrie un plateau vocal de première classe, avec la mezzo allemande Waltraud Meier, grande wagnérienne de sa génération, son compatriote René Pape, LA basse du moment, et le ténor néo-zélandais Simon O'Neill, voix claire et bien projetée.

Plus tôt dans la journée, Daniel Barenboim avait plaidé, lors d'un entretien avec le président Nicolas Sarkozy, pour la création d'une chaîne de télévision culturelle israélo-palestinienne, sur le modèle d'Arte, pour « lutter contre l'ignorance qui règne partout au Moyen-Orient. Nous avons parlé de la possibilité d'augmenter l'effort pour la culture en Europe », a déclaré Barenboim à la presse à sa sortie de l'Elysée.

« Je me suis permis de lui parler du fait qu'il y a un succès si grand avec cette chaîne de télévision culturelle Arte, qui est malheureusement seulement pour la France et l'Allemagne, a-t-il poursuivi. J'ai dit « pourquoi pas pour le reste de l'Europe? » Ce serait magnifique d'avoir une chaîne culturelle pour toute l'Europe », a affirmé le pianiste israélo-argentin, soulignant que Nicolas Sarkozy « avait l'air plutôt optimiste » concernant ce projet.

« Je lui ai dit qu'il fallait aller plus loin que ça et faire Arte entre Israël et la Palestine », a également indiqué Barenboim. « Ce serait une bénédiction pour tout le monde », s'est-il enthousiasmé, jugeant qu'« il faut lutter contre l'ignorance qui règne partout au Moyen-Orient ».

Il a ensuite expliqué au Président de la République, « en tant que président de l'Europe » pour le second semestre 2008, que « la vraie dimension de ce projet va arriver le jour où l'orchestre pourra se produire dans tous les pays qui (y) sont représentés ». Il a ainsi souhaité des concerts « en Espagne, au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Egypte, en Palestine, en Israël et en Iran ».

Le site officiel du West-Eastern Divan Orchestra

Le site officiel de Daniel Barenboim