Fazil Say s'attaque aux Goldberg

Ce monument de la littérature baroque que sont les Variations Goldberg apparaît comme la quête ultime pour des générations entières de claviéristes : “L’approche d’une œuvre musicale de ce genre est un voyage de toute une vie” résume Fazil Say dans le livret de son nouveau disque consacré au chef d’œuvre de Bach. Outre l’extrême sensibilité d’exécution qu’elles exigent de la part de tout interprète, les Goldberg posent un autre problème majeur aux pianistes de notre temps : derrière chaque nouvel enregistrement plane le fantôme de la version donnée par Glenn Gould en 1981, vue comme LA référence intemporelle et à laquelle il est impossible de ne pas se comparer. Mais alors comment sortir de cette impasse ?

Fazil Say donne une piste de réponse à ce blocage : “L’interprète doit intérioriser en profondeur cette longue partition au point de la présenter comme s’il s’agissait de sa propre composition.” Et c’est justement le caractère intime, personnel, quasi impudique même, que l’on retient de l’interprétation splendide que nous délivre ici le pianiste d'Ankara.

Optant pour une certaine flexibilité de tempo, au rubato minime, mais plus présent que chez nombre de ses confrères et consœurs, Say donne à entendre les Variations Goldberg comme si elles étaient en partie improvisées. La spontanéité de l’ensemble offre à la structure une formidable respiration, un élan vital qui sublime le génie d’écriture de Bach. Le tout enveloppé dans l’écrin de velours d’une prise de son ample et naturelle. Que les auditeurs soient donc mis en confiance : non, il ne s’agit pas d’une énième version des Variations Goldberg, et oui, celle-ci est à ranger du côté des très grands : Zhu Xiao-Mei, Murray Perahia, Jean Rondeau…

ÉCOUTEZ LES "VARIATIONS GOLDBERG" DE BACH PAR FAZIL SAY SUR QOBUZ