Vénéré par tous, le grand compositeur pop américain, chanté par Dionne Warwick, Dusty Springfield et tant d’autres, s’est éteint à l’âge de 94 ans.

La composition, les arrangements, la direction, la production et même occasionnellement le chant : Burt Bacharach savait tout faire ! Mais c’est surtout son génie pour la composition qui a installé celui qui s’est éteint le 8 février 2023 au sommet de la musique populaire du XXe siècle. Bacharach était l’artisan d’une lounge music romantique et mélancolique, jamais mièvre, chérie par tous. Un mélodiste de génie qui a attendu un peu plus de dix ans avant de rejoindre au paradis son complice le parolier Hal David disparu fin 2012. Le binôme est considéré comme l’un des plus importants de toute l’histoire de la musique populaire américaine de l’après-guerre. Raindrops Keep Fallin’ on My Head, What the World Needs Now Is Love, I Say a Little Prayer, Walk On By, What’s New Pussycat, This Guy’s In Love With You, I’ll Never Fall In Love Again, Do You Know the Way to San Jose, Trains and Boats and Planes et quelques dizaines d’autres, on ne compte plus les chefs-d’œuvre intemporels écrits par les deux Américains.

Burt Bacharach Documentary - Composer - His Life and his Music.

Brill Videos

La liste de celles et ceux ayant interprété leurs chansons est elle aussi sans fin, des Beatles à Frank Sinatra en passant par Dionne Warwick, Isaac Hayes, Aretha Franklin, les Carpenters, Dusty Springfield, B. J. Thomas, Gene Pitney, Tom Jones, Jackie DeShannon, Andy Williams, Christopher Cross ou encore Barbra Streisand. Certains de leurs tubes étaient destinés au 7e art, à l’image d’Alfie, Casino Royale et Butch Cassidy et le Kid. Cette dernière partition, Raindrops Keep Fallin’ on My Head (revisitée en France par Sacha Distel sous le titre Toute la pluie tombe sur moi), étant récompensée par un Oscar en 1969.

Dionne WARWICK - Walk on By (Scopitone de 1964)

Daniel Thourot

Né à Kansas City le 12 mai 1928, Bacharach apprend très jeune le violon, le piano et même la batterie. Fasciné par les stars du be-bop comme Charlie Parker et Dizzy Gillespie, il perfectionne son apprentissage de la musique à la Forest Hills High School, à la McGill University de Montréal et à la Mannes School of Music de New York. Des années durant lesquelles certains de ses professeurs sont des compositeurs du calibre d’Henry Cowell ou de Darius Milhaud ! Parmi ses premiers faits d’arme, il s’occupe de la direction musicale des tournées de la grande Marlene Dietrich à la fin des années 50. À cette même époque, il rencontre Hal David dans les couloirs du label Famous Music dans le légendaire Brill Building de New York, la Mecque de la pop music. Le tandem signe sa première collaboration, The Story of My Life, enregistré par la star country Marty Robbins. Dans la foulée, Perry Como décroche un hit avec leur Magic Moments.

Dusty Springfield and Burt Bacharach "A House is Not A Home"

MOR Music Clips

La machine Bacharach/David est lancée et s’installe au sommet des charts tout au long des années 60 et 70. Sa meilleure ambassadrice ? Sans doute une chanteuse de gospel rencontrée lors d’une séance d’enregistrement des Drifters pour laquelle la jeune femme assure les chœurs : Dionne Warwick ! La chanteuse du New Jersey a rarement été surpassée par ses consœurs et ses confrères dans le répertoire de Bacharach et David. Une voix entourée par de luxuriants violons et des cuivres précis des Tijuana Brass dirigés par le trompettiste Herb Alpert.

Dionne Warwick and Burt Bacharach Medley

MOR Music Clips

Le style Bacharach/David est moins teenage que celui d’autres grands tandems du Brill Building comme Carole King et Gerry Goffin ou Barry Mann et Cynthia Weil. Dans leur viseur, une forme de sophistication, du romantisme à foison, de l’hédonisme aussi, bref des valeurs un brin plus adultes qui s’inscrivent davantage dans la descendance d’un Cole Porter. Après Hollywood, la paire triomphe à Broadway en 1968 avec Promises, Promises, l’adaptation pour la scène du film de Billy Wilder La Garçonnière. Les belles histoires ayant toujours une fin, celle-ci intervient en 1973 après l’échec du film Les Horizons perdus de Charles Jarrott (dont les deux hommes signent la BO) et de violentes querelles qui finissent à la barre du tribunal.

B.J. Thomas "Raindrops Keep Fallin' On My Head" on The Ed Sullivan Show

The Ed Sullivan Show

Durant les années 80, Burt Bacharach renoue avec le succès, notamment avec la parolière Carole Bayer Sager (qui deviendra sa femme) pour le duo tubesque de 1986, On My Own, interprété par Patti LaBelle et Michael McDonald, et la chanson That’s What Friends Are For. Il publie régulièrement des disques solos qui ne rencontreront jamais le succès escompté, à l’image de Woman, en 1979, enregistré avec le Houston Symphony Orchestra. Bacharach enterre la hache de guerre avec David et Warwick durant les années 90, le temps d’une série concerts nostalgiques. Mais c’est surtout la jeune génération qui réhabilite progressivement son œuvre que certains trouvaient désuète, voire kitsch.

Christopher Cross Arthur's Theme with Burt Bacharach and Carole Bayer Sager Live

Cal Vid

En 1996, Elvis Costello travaille avec lui sur la ballade God Give Me Strength et des groupes aussi divers que les Stranglers, Oasis ou Stereolab reprennent ses tubes ! Burt Bacharach redevient une figure majeure de la pop culture tant et si bien qu’en 1997, le réalisateur Jay Roach le fait apparaître dans son propre rôle dans Austin Powers pour qu’il chante son What the World Needs Now Is Love. Un joli clin d’œil et le symbole d’une certaine idée de l’hédonisme musical sur lequel le temps n’a aucun effet...

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