Les Trailer Trash Tracys font chier. Voilà, c’est dit. Il fallait que ça sorte. Nous qui aimons tant coller des étiquettes aux nouveaux venus en maniant le grand écart stylistique (« c’est un peu comme si Jesus & Mary Chain faisait du dubstep ») tout en se la jouant Evelyne Dhéliat des divans (« un disque pour les soirées solitaires sous la pluie au coin du feu »), on se trouve bien emmerdé face au premier album des Anglais. On a beau essayer, rien ne marche. Rien ne rentre dans cette fameuse case. Rien à écrire sur cette petite étiquette qui nous aurait rendu la tâche plus facile. Eux ont vu les choses en grand. Et nous n’étions pas prêts. Lorsque l’on a entendu parler des Trailer Trash Tracys pour la première fois, ils venaient de sortir leur premier single, « Candy Girl », sur un obscur label anglo-saxon. Une bien jolie chose ce morceau, mais pas assez pour exciter autre chose que la blogosphère locale et une poignée d’indie boys. Un coup d’essai, donc. Patient, le groupe a attendu avant de signer son coup de maître. Deux ans précisément, et la sortie, aujourd’hui, d’ « Ester », premier album sophistiqué (mais pas chiant) et beau (mais pas larmoyant). Il y a sur ce disque suffisamment de très belles choses pour avoir envie de commencer l’année à leurs côtés. « Los Angered », « Wish You Were Red », « Dies In 55 », « Engelhart’s Arizona », mais surtout « Candy Girl »… De la pop, certes. Mais tournée vers quelque chose d’autre, de nouvelles directions, et jamais celles que l’on attend, que l’on espère. Visiblement peu amateurs de gaudriole, Jimmy Lee (tête pensante et indonésienne de l’équipe) et Suzanne Aztoria (belle gueule, grande voix, petit air de Zaz, non ?) ne sont pas non plus pour la simplicité, préférant prendre leur temps et étaler leurs morceaux pour laisser respirer les mélodies, les arrangements. Et pour que nous puissions, à notre tour, profiter du voyage. Un trajet qui nous emmène en Italie, puis à Detroit, en passant par Londres. Où le groupe s’est formé. Où ils ont également fait leurs premiers concerts, soutenus par leurs potes des XX. Londres, une ville aux multiples visages. Et si Jimmy refuse de revendiquer un quelconque impact de sa ville sur sa musique, les deux ont pourtant ce trait commun: la diversité, l’ouverture. Dans la capitale anglaise, les Trailer Trash Tracys ont peaufiné leurs arrangements ; Jimmy, ce son de guitare, rugueux. À la fois western et urbain. Et puis il y a cette voix, noyée sous la réverb’, envoûtante. Oppressante aussi, parfois. « Ester » n’est pas un album parfait – le quatuor se perdant parfois dans ses explorations sonores – et nous par la même occasion. Reste qu’une telle audace est rare. Et que nous tenons là un vrai beau disque. Finalement, c’est un peu comme si Mazzy Star faisait de l’oeil à Kevin Shields dans un remake de « Twin Peaks » avec Abba dans la bande-son. Sous la pluie.

Nico Prat

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