En mai 68, Charles de Gaulle s'est rendu en cachette et en hélicoptère à Baden-Baden pour y papoter secrètement avec le général Massu. A partir de cette année (de 2013, s'entend), c'est en grande pompe et en toute visibilité que le Philharmonique de Berlin prend ses quartiers de Pâques dans l'hyper-cossue ville d'eaux Baden-Baden en remplacement de Salzbourg où... mais c'est une histoire légèrement alambiquée dont vous pouvez retrouver quelques détails ici. En remplacement de votre direct hebdomadaire retransmis de la Salle de concerts numérique du Philharmonique de Berlin, voici un concert d'archives parmi les programmes plus rares du Philharmonique de Berlin : Les Voix de Paul Dessau, précédé de la Suite de Lulu d'Alban Berg, suivi de l'énorme Quatrième de Chostakovitch.
Paul Dessau, donc. Qui connait encore ce compositeur allemand, né en 1894 à Hambourg et mort en 1979 à Berlin-Est ? De l'autre côté du Rhin, on se souvient qu'il fut l'un des chantres des beautés politiques et sociales l'Allemagne de l'Est (dite République "Démocratique" Allemande), mais surtout qu'il composa la musique de scène de plusieurs des pièces majeures de Brecht : Maître Puntila et son valet Matti, Le Cercle de craie caucasien, Mère Courage et ses enfants, La Bonne âme du Se-Tchouan. Ensuite, quelques facétieux rappelleront qu'il a également signé quelques musiques de dessins animés du capitaliste des capitalistes, Walt Disney ; autre incursion dans la musique de dessin animé ou plutôt de la marionnette animée, une longue partition pour L'Horloge magique du pionnier du genre, le génial Ladislas Starewitch. Ensuite, on croit surtout savoir qu'il a composé des chants à la gloire du Parti communiste, de l'Internationale socialiste, ou des des pamphlets politico-musicaux anti-capitalistes... ce qui n'est pas entièrement faux, mais qui ne représente qu'une infime partie de sa richissime production. Il est grand temps de réhabiliter Paul Dessau, à sa manière l'égal de Kurt Weill. La playlist ci-dessous vous propose quelques pièces symphoniques tout à fait superbes.
A la différence de Weill, il faut le dire, le langage de Dessau tourne plus volontiers le regard vers Hindemith dans la rigueur contrapuntique, vers le jazz le plus radical de son temps, et vers Schönberg, avec un certain dodécaphonisme ou du moins une utilisation de quelques-unes de ses habitudes, sans oublier une forte dose d'atonalisme. Et pourtant, ses ?uvres contiennent d'innombrables pages d'une forte émotion et d'un âpre expressionnisme qui pourraient rappeler les dessins, par exemple, de Käthe Kollwitz, si l'on veut tirer des parallèles hardis. Les préoccupations humanistes de Dessau n'avaient rien de feint, rien de bourgeois-bohème et encore moins de socialisme-caviar, tout est parfaitement sincère. Ainsi la belle pièce donnée par le Philharmonique de Berlin le 13 septembre 2009 : Les Voix , sur des textes (chantés en français) de Verlaine tirés de Sagesse, pour grand orchestre, piano solo et soprano. L'ouvrage date de 1939-43, la période d'exil aux Etats-Unis, et c'est bien là une musique d'exil, emplie d'émotion, de révolte, de beauté cachée derrière certains accents assez durs. C'est là la première fois que le Philharmonique de Berlin donne cette ?uvre, grâce lui soit rendue. Retrouvez-là dans les archives de la Salle de concerts numérique. En ne vous offusquant pas trop de l'accent français de la soprano Angela Denoke...
Et si vous voulez vraiment votre dose de direct, revenez le mardi 19 mars à 20h, la Jeune philharmonie allemande donnera la Neuvième de Bruckner, direct gratuit pour tous.
La saison complète 2012-2013 du Philharmonique de Berlin, sujette à d'éventuelles petites modifications dont nous vous tiendrons informés au jour le jour
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Les archives de la Salle de concerts numérique, soit 188 concerts à ce jour !