Et pourquoi se transformerait-on en gaufre berlino-philharmonique le 10 novembre, siouplaît ? Réponse ci-dessous.

Jusqu'à ce qu'il compose sa Troisième symphonie en exil vers 1936, Rachmaninov considérait Les Cloches de 1913 comme sa véritable troisième symphonie. Il faut dire que l'ouvrage en comporte nombre de caractéristiques : quatre mouvements aux tempos alternés, une durée de quelque quarante minutes, sans oublier la thématique cyclique autour du Dies Irae (qu'il faut parfois chercher dans l'invraisemblable foisonnement orchestral). L'auditeur le plus attentif se surprendrait à se demander qui, d'entre Ravel et Rachmaninov, a été inspiré par qui, tant les parallèles sont flagrants entre Les Cloches et Daphnis et Chloé. Eh non... les deux œuvres ont créées à quelques mois d'intervalle, et il est peu probable que Rachmaninov ait copié Ravel. En réalité, on chercherait plutôt des parallèles architecturaux avec Tchaikovsky et sa Sixième symphonie, elle-même s'achevant sur un mouvement lent et désolé. Ajoutons que Les Cloches fait appel à un chœur et trois solistes vocaux, en plus d'un orchestre monumental à la Mahler-Strauss : bois par quatre, six cors, des cloches à n'en plus finir (le contraire eût été étonnant, avouons-le, orgue, piano de salon (= pianino), et tout le tralala.

Pas étonnant donc que Simon Rattle ait profité de ce surcroît de musicien pour finir le programme en beauté avec un ouvrage qui est presque encore plus gourmand en ressources orchestrales : le Sacre du printemps, composé précisément cette même année 1913. Les mauvaises langues diront que Les Cloches regardent délibérément vers le passé tandis que le Sacre ouvre la voie vers le modernisme. Certes... et ensuite ? La beauté ne regarde ni devant, ni derrière ; tout au plus regarde-t-elle vers le haut, si tant est qu'elle se fatigue à regarder où que ce soit.

Photo parue dans Comoedia de mars 1913 avec quelques costumes du Sacre du printemps

En complément de programme, Rattle rajoute un petit bonbon pour le chœur : le rare Roi des étoiles pour chœur d'homme et orchestre de Stravinsky, encore un ouvrage de la même époque - 1912 - et encore un ouvrage faisant appel à un orchestre-mammouth, qui ne fut d'ailleurs créé qu'en 1939. Ajoutez à cela qu'il ne dure en tout et pour tout que cinq minutes, que l'immense groupe de percussions joue dans une seule et unique mesure, et l'on comprendra pourquoi le dédicataire, un certain Debussy Claude, écrivit au compositeur : « La musique pour le Roi des étoiles reste extraordinaire... C'est probablement l'“harmonie des sphères éternelles” dont parle Platon (ne me demandez pas à quelle page !). Et je ne vois que dans Sirius ou Aldébaran une exécution possible de cette cantate pour "mondes" ! Quant à notre plus modeste planète, j'ose dire qu'elle restera telle une gaufre, à l'audition de cette œuvre. »

Samedi 10 novembre à 20 heures, transformez-vous en gaufre et dégustez ce rare concert en direct par la Salle de concerts numérique du Philharmonique de Berlin.

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