Chaque raga de Chaurasia fait oublier que le maître de la flûte bansuri est… le maître de la flûte bansuri ! Juste un instant de pureté improvisée comme ce fut le cas ce jour de février 1992 au Théâtre de la Ville…

On n’écoute guère un raga signé Chaurasia comme une Polonaise de Chopin ou un single des Jackson 5… Ce parallèle est sans doute vain et stupide, il n’en demeure pas moins que la musique du maître de la flûte bansuri exige une concentration et un abandon total du corps et de l’esprit pour fusionner avec la palette de teintes propre à cet élément majeur de la musique classique indienne. Archives 17.02.01992, sublime album live enregistré sur la scène parisienne du Théâtre de la Ville le 17 février 1992 avec le virtuose des tablas Zakir Hussain, est un pèlerinage méditatif à lui seul. Un voyage intérieur aux couleurs infinies, aux sensations décuplées.

Depuis plusieurs décennies, ce fils d’un catcheur de l’Uttar Pradesh a révolutionné cette flûte classique d’Inde du Nord en développant ses possibilités expressives. Technique de souffle impressionnante et virtuosité unique du doigté, Hariprasad Chaurasia avait pourtant commencé sa carrière dans les années 60, à Bombay, dans la musique de films, matériau léger et éloigné de la musique classique indienne dont il deviendra l’une des figures majeures. Fatigué par la face anecdotique de ces mélodies de commande, Chaurasia abandonne tout en 1965 pour suivre l’enseignement classique d’Annapurna Devi Khan, sœur d’Ali Akbar Khan, fille du légendaire Ustad Allaudin Khan, le guru de Ravi Shankar. Pilier de la musique hindoustani, Annapurna Devi Khan avait d’abord refusé de « transmettre » son savoir à Chaurasia, contaminé selon elle par ses travaux futiles pour le Septième Art. Motivé comme jamais, le flûtiste proposa alors à la grande dame de faire table rase de sa vie musicale en ne jouant désormais que comme un gaucher ! Une décision radicale pour réellement repartir à zéro selon lui.

Ce point de (nouveau) départ n’empêchera guère Hariprasad Chaurasia de chahuter la tradition classique pour mieux la faire évoluer. Tout au long de sa carrière, il jouera ainsi régulièrement en compagnie de musiciens géniaux venus d’autres univers comme Paco de Lucia, Yehudi Menuhin, Jan Garbarek, Egberto Gismondi, John McLaughlin, Jean Pierre Rampal ou même George Harrison des Beatles…

Lors de ce concert enregistré sur Archives 17.02.01992, la flûte de Chaurasia n’est qu’une respiration. Respiration qui prend corps avec l’espace. Et se fond dans la matière rythmique des tablas de son ami Zakir Hussain, de treize ans son cadet. Les improvisations des deux musiciens touchent au sublime et font oublier tout ce qui pourrait être palpable. Leurs instruments. Nous. Eux. Aucun lavage de cerveau. Juste une respiration. Un pouls. Un moment de la journée. Le site officiel d’Hariprasad Chaurasia Zakir Hussain sur MySpace Chaurasia et Hussain, il y a bien longtemps... :

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