C'est une première mondiale discographique et l'hommage à un artiste récemment disparu qui ont aiguisé ma curiosité cette semaine. Après la redécouverte des Symphonies d'Albéric Magnard par Ernest Ansermet, Michel Plasson, Jean-Yves Ossonce et Thomas Sanderling. Après l'exhumation de celles de Joseph-Guy Ropartz et d'Henri Sauguet, voici une découverte de taille avec la Deuxième Symphonie en mi mineur de Henri Rabaud. De ce compositeur, Premier Grand Prix de Rome en 1894, on ne connaissait guère que Mârouf, savetier du Caire qui fit les beaux jours de l'Opéra Comique et le beau poème symphonique, La Procession Nocturne, inspiré du Faust de Goethe qui figure d'ailleurs sur cet album. On savait aussi qu'il avait brièvement été le directeur de l'Orchestre Symphonique de Boston, puis le successeur de Gabriel Fauré à la direction du Conservatoire de Paris. Mais l'enregistrement de sa Symphonie en mi mineur vient compléter notre connaissance de son catalogue en même temps que celle de la passionnante histoire du renouveau de la symphonie en France, impulsé par Saint-Saëns et Franck. En s'écartant du modèle franckiste (car c'est plutôt du côté de la symphonie allemande qu'elle semble puiser ses sources, en particulier chez Beethoven et Mendelssohn), Rabaud écrit une vaste fresque, d'une solide structure formelle au service d'une puissance d'expression assez rare dans la musique française. Si l'écriture de cette vaste symphonie n'est pas "tenue" de bout en bout (et recèle même quelques faiblesses de jeunesse), elle emporte toutefois l'adhésion par la générosité de ses motifs thématiques et la hauteur de son propos. Séduit par la grande sincérité de cette musique, le jeune chef français Nicolas Couton sait en dégager les lignes de force et traduire cette espèce de grande montée vers la lumière. Les couleurs diaphanes de l'Orchestre de Sofia (nos orchestres français sont ils trop chers ou rechignent-ils à jouer cette musique ?) contribuent à la réussite de ce nouvel album d'un label indépendant, TIMPANI, totalement dévoué à la musique française et auquel on ne peut que tresser des couronnes.

Voilà exactement une année que Devy Erlih nous a quittés, à la suite d'un stupide accident de la circulation. Toute une vie de musique fauchée en un instant par un camion. Qui aurait pu penser qu'un homme de 83 ans pouvait se cacher derrière l'apparence de cet éternel jeune homme dont la conversation pouvait s'enflammer passionnément à la moindre sollicitation. C'est un bel hommage à ce grand violoniste et pédagogue que la collection INA MEMOIRE VIVE publie à l'occasion de ce triste anniversaire. Assorti d'un texte érudit et chaleureux de Christian Merlin, on y trouve de rares sonates de Ravel, Milhaud, Beethoven, Brahms, Debussy et Roussel avec Jacques Février au piano. On y trouve également un Concerto de Tchaïkovski où éclate le tempérament chaleureux d'un Devy Erlih de 27 ans, capté lors du Concours Long-Thibaud de 1955. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, la version numérique proposée par votre Qobuz contient en outre les deux Concertos de Prokofiev et celui de Jean Sibelius qui ne font pas partie de la parution en CD.