De toute évidence, les baladeurs audio-HD Astell&Kern AK100 et AK120 (double-DAC) n'étaient en quelque sorte qu'une succulente mise en bouche, qui sera tout de même parvenue à nous mettre à genoux, à tel point que de nombreux membres de nos équipes se sont saignés pour acquérir l'un des deux bijoux. Avec le AK240, Astell&Kern ouvre les vannes au "DSD" en natif sur-dopé, et donne accès au streaming et au téléchargement en Wi-Fi via les boutiques en ligne !

Le papier que vous vous apprêtez à dévorer des rétines a été écrit à 4 mains : celles techniquement très expertes de Philippe Daussin, et celles de PP Garcia, journaliste et heureux possesseur de l'Astell&Kern AK120 depuis des mois.

Nous avons volontairement joué au binôme afin de vous offrir une double expérience, celle de l'aspect très technique de l'affaire - merveilleusement expliqué par Philippe Daussin -, et celle d'une prise en main et d'écoutes qui sentent le vécu - comme si vous étiez - relatées par PP Garcia, un fan d'Astell&Kern et du beau son qui régale les esgourdes.

Pour nous, journalistes passionnés par le son de qualité, le fameux AK240 relève du cas d'école. Vous pensez, une chose audio-HD qui comprend tous les signaux audio, 24/192 et DSD 1 bit/5,6 MHz inclus, et qui tient dans la poche, on nage en pleine science-fiction ! Certes, son prix dépassant les 2000 Euros aura de quoi créer la pâmoison dans les chaumières (et bonjour le casque à marier à la chose....), mais on est là dans l'excellence. La philosophie du fabricant ne laisse aucune place au doute à ce sujet.

Côté look, comparé avec les AK100 et 120, on peut écrire sans gêne ni rouge au visage que le 240 est étrange, voire carrément moche aux yeux de nombreuses personnes qui ont préféré garder l'anonymat. Anguleux, décentré, assez lourd (185 g), il prend l'allure d'un exercice de design des années 70. On ne le sacralisera donc pas sur ce point.

Il conserve la molette de volume que nous persistons à trouver noble et se voit doté d'un écran de 3,31 pouces en 480 x 800, qui assure (enfin) une bonne lisibilité des infos. La taille de l'écran est lié au fait que le 240 peut aller cherche sa musique en ligne en Wi-Fi via un réseau, soit sur un PC soit sur une boutique en ligne. Étant donné que nous avons testé un modèle coréen, il disposait de l'accès direct à Groovers Korea. Bientôt Qobuz pour nos plus proches contrées ?...

Le menu à l'écran est également plus complet que ceux des 100 et 120, ajoutant évidemment le Wi-Fi à l'affaire, ainsi que le réglage de la balance de la Stéréo qui manque tant sur les AK100 et 120. L'appareil pourra être utilisé en tant que DAC (signal entre via micro-USB) et sa mémoire interne est de 256 GB, extensible via micro-SD. Grâce au Wi-Fi, le 240 pourra streamer la musique et se mettre à jour si nécessaire. Pour notre part, nous avons pour habitude, avec nos PC, d'utiliser l'interface iRiver Plus 4 afin de gérer les baladeurs Astell&Kern (chargement et mise à jour).

Si le 240 est sympa comme tout, il n'en reste pas moins que, globalement, le menu est assez mal fichu et terne. Certes, la chose est noble et s'adresse aux aisés hifistes passionnés, mais quand on assiste ébahis aux merveilles graphiques des systèmes d'exploitations Android, iOS et Windows Phone, pourquoi ce type de baladeur n'offrirait-il pas des icônes seyantes aux rétines et une interface qui donne envie d'y passer des heures ?...

Allez, on l'écoute !

Le "p'tit gars" qui écrit ces lignes est déjà possesseur de l'Astell&Kern AK120 depuis des mois, et ravi de l'être. Bosser avec un tel outil, et d'autres, est une chance, à tel point que nous nous demandons parfois si on peut "aller" plus loin, surtout que notre oreille humaine a des limites et que le coût des casques à associer à ce type de baladeur alourdit la facture. A ce propos, nous confions un coup de cœur pour le peu discret mais exceptionnel casque Denon AH-D7100, entre autres.

Le 240 a été écouté en long, large et travers avec des fichiers musicaux en 16-bit, 24-bit (max 192 kHz) et DSD 1-bit (2,8 et 5,6 MHz en DFF), dont le fameux Michael Jackson - Thriller (voir photo ci-dessus), et Mozart, Ayako Hosokawa, etc.

Il serait presque honteusement inutile d'en écrire des tartines pendant des pages et des pages de test : oui, le 240 relève de la révélation biblique...avec les fichiers DSD écoutés par nos soins : dynamique "dinguissime", ouverture de la scène sonore incroyable (la prise de son de morceaux enregistrés dans un club de jazz nous a décollé les tympans), le grave est précis sans "prendre la tête" ni fatiguer les sessions d'écoute, l'aigu est fin et équilibré, quant à la Stéréo, l'ouverture tout en bruitages de Thriller de M.Jackson nous a mis une des ces claques dans sa spatialisation. De plus, la sensation d'avoir son propre orchestre perso sur les oreilles qui interprète du Vivaldi (Concerto in b minor op4. no.1/Allegro) est jubilatoire.

Ceci écrit, fichiers DSD d'exception égale retranscription d'exception sur l'AK240. Ceci écrit (bis repetita), en toute franchise, le fossé entre la qualité audio du AK120 et celle du 240 est relativement mince, d'autant que le 120 est également à même de jouer de la musique en DSD, mais avec une électronique différente (lire le texte technique de Philippe Daussin à ce sujet). Le 240 pousse l'enveloppe au maximum, et ajoute le Wi-Fi, le streaming, un grand écran des fonctions plus complètes et l'accès aux magasins musicaux en ligne à l'affaire.

Nous saluons à applaudissements nourris cet AK240, mais tenons à rappeler au passage les étonnants résultats également obtenus par le modèle AK120, vendu deux fois moins cher que son grand frère, surdoué et plus ouvert d'esprit. L'Astell&Kern AK240 est définitivement un produit d'exception qui s'adresse aux aficionados ultimes de l'audio-HD en version nomade qui trouveront surtout en lui un bluffant diffuseur de musique en "DSD", et autres (16 et 24-bit).

La technique et la genèse du AK 240

Philippe Daussin

Si l’on considère les modèles AK100 et AK120 d’Astell&Kern, on peut grosso modo dire que le AK120 est un AK100 dont ont été doublées les capacités mémoire et également les puces de conversion (afin d’améliorer la séparation des canaux, une puce traitant la voie droite, l’autre la voie gauche), ces puces étant les mêmes sur les deux modèles, à savoir des Wolfson WM8740.

Soucieux de proposer une qualité sonore au plus proche de l’original, et plus particulièrement en DSD, ce codage sur 1 bit utilisé pour les SACD étant considéré comme la panacée en audio, Astell&Kern a entièrement revu sa copie et le AK240 est un nouveau modèle à part entière s’affranchissant en grande partie des modèles antérieurs.

La lecture du DSD est devenue incontournable pour les DAC, particulièrement au Pays du Soleil Levant, mais celle-ci n’est cependant pas sans poser de problèmes tant d’un point de vue logiciel que matériel.

Le transfert des signaux DSD via la liaison USB se fait en mode DOP (DSD over PCM, voir ci-dessous) où l’on « encapsule » les signaux DSD dans une trame 24 bits PCM pour transmettre un canal audio DSD sur 16 bits, les 8 autres bits servant de marqueur DSD.

DSD over PCM (Source visu :http://www.positive-feedback.com/Issue60/dsd_usb.htm)

Reste ensuite à convertir ceux-ci en signaux analogiques avec une question fondamentale, ces signaux DSD seront-ils traités nativement d'un bout à l'autre de la chaîne ou subiront-ils une conversion en signaux PCM ?

A cette question, nous vous proposons maintenant une traduction des explications données par Astell&Kern sur son site concernant la genèse du AK240 et le choix de la puce pour convertir le DSD.

Au plus près de Son Original

Après le lancement couronné de succès des modèles AK100 et AK120, nous nous sommes demandé : « Quelle est la qualité de son ultime ? ». Après de nombreuses considérations, nous avons décidé d’aller un cran plus loin que notre objectif, qui est de reproduire le son « exactement comme l’artiste avait l’intention » de nous le faire entendre.

Comme pour l’évolution du AK100 au AK120, nous avons décidé de choisir une configuration à deux DAC afin d’obtenir une meilleure séparation entre les canaux droit et gauche et un son plus clair. Nous pensions que la configuration à deux DAC serait suffisante, mais durant le développement du AK240, nous avons ressenti le besoin d’aller plus loin encore dans l’amélioration de la qualité sonore afin de reproduire avec précision l’enregistrement original. Après d’innombrables heures de recherche et d’écoute, nous étions en mesure d’apporter la réponse.

La réponse était de créer à la fois une sortie symétrique [voir site Astell&Kern, NDLR] et une lecture des signaux DSD en mode natif au travers de la configuration en double DAC.

Maintenant, avec le AK240, nous pouvons oser dire que nous avons obtenu « cela au plus près » de la qualité sonore de l’enregistrement original.

Support DSD natif

Qu’est-ce que le DSD ?

Le DSD (Direct Stream Digital) est un format audio développé originellement pour les SACD (Super Audio CD). Pour les signaux numériques, les formats audio habituels, tel que le PCM (Pulse Code Modulation) représentent soit 65.000 (16 bits) soit 16.700.000 (24 bits) informations sur l’axe des Y [axe des amplitudes, NDLR], et de 44.100 (44,1 kHz) à 192.000 (192 kHz) informations sur l’axe des X [axe des temps, NDLR]. Les fichiers DSD ont un seul bit (soit à « 0 » soit à « 1 ») pour l’axe des Y et sont séparés en 2.800.000 (2,8 MHz) ou 5.600.000 (5,6 MHZ) informations sur l’axe des X.

Comparé au format PCM habituel de 16 bits à 44,1 kHz du CD audio, les fréquences enregistrées sur un SACD vont jusqu’à 100 kHz et la gamme dynamique dépasse les 120 dB tout en maintenant la clarté sonore durant la transmission.

Support DSD natif

L’une des approches que nous avions décidées et qui nous aiderait à aller à un pas de la qualité sonore originale était d’obtenir une lecture du DSD dans sa forme native sans avoir à le convertir en PCM. Ceci était en effet une tâche difficile. Afin de parvenir à lire nativement le DSD sur le AK240, nous devions sélectionner une puce de conversion différente [des AK100 et AK120, NDLR]. Prendre la décision de changer de puce de conversion n’était pas facile, mais afin de parvenir à notre objectif, nous avons dû agir avec une audace qui consistait à repartir de zéro.

Nous nous étions demandé : le DAC supporte-t-il le DSD natif ?

Permettra-t-il une configuration à deux DAC ? Qu'est-ce qui est nécessaire pour supporter le DSD natif parfaitement ?

Afin de répondre à ces trois questions, nous avons décidé d’utiliser la puce Cirrus Logic CS4398 dans une configuration à deux DAC en association avec un circuit exclusif XMOS permettant de supporter nativement le DSD.

Le processus pour supporter nativement le DSD n'était pas une tâche facile. Puisque l'UC principale ne traitait pas le DSD en natif, nous avions besoin d’une puce qui sache le faire. Cela a pris du temps, mais nous l'avons fait marcher. Au travers d’innombrables heures de test, nous étions capables de réaliser la lecture en DSD natif en ayant le processus de traitement des données par la CPU principale, celle-ci les envoyant à un processeur XMOS spécifique, puis la puce de conversion numérique analogique délivrait le son.

Ci-dessous, un visuel réalisé par nos soins à partir du datasheet du DAC Cirrus Logic CS4398 montrant les entrées spécifiques dédiées au signaux DSD totalement séparées des entrées PCM, les signaux DSD pouvant prendre un chemin direct vers les filtres de sortie (Direct DSD).

Prix approximatif : 2500 Euros.

Disponible dés maintenant chez HIFIATUBE.

Papier écrit par Philippe Daussin et PP Garcia

Si vous êtes constructeur, importateur, distributeur ou acteur dans le domaine de la reproduction sonore et que vous souhaitez nous contacter, faites-le uniquement à l'adresse suivante : newstech@qobuz.com

PP Garcia pour Qobuz

Twitter @ppgarcia75